L’Agenda 21 de la commune d'Amlamé (Togo) 2015-2030 : à planification durable, communauté résiliente
Résumé
Avec l’appui technique et financier de l’organisation non gouvernementale internationale Jeunes volontaires pour l’environnement (ONG-JVE), la Commune d’Amlamé au Togo dispose aujourd’hui de son premier Agenda 21 local (A21L) communal pour la période 2015-2030, afin de mettre en œuvre le développement durable. L’initiative d’élaboration de ce document a été prise par les autorités communales d’Amlamé en rapport avec la Loi relative à la décentralisation et aux libertés locales au Togo (2007).Le processus d’élaboration de cet A21L a connu plusieurs étapes avec une participation active de la population et des autorités locales.
- Amlamé: un territoire urbain au coeur de la région des plateaux
- L'économie de la commune
- Amlamé et son Agenda 21 local: une première planification de développement durable
- Le processus d'élaboration de l'A21L
- Les objectifs du projet A21L
- La structure de travail
- Une démarche de développement durable en plusieurs étapes
- Suivi: 4 ans après le lancement de l'A21L d'Amlamé
- Les résultats
- Plus d'informations
Amlamé: un territoire urbain au coeur de la région des plateaux
Sur le plan géographique, la Commune d’Amlamé est située à 190 km au Nord-Ouest de Lomé, capitale du Togo et à 30 km au sud-ouest d'Atakpamé, chef-lieu de la région des Plateaux. Amlamé est quant à elle, la principale Commune de la Préfecture d'Amou.
La Commune couvre une superficie de 151 km2, soit 38% de la superficie de la Préfecture et 7% de la Région des plateaux avec une population essentiellement rurale. Ses habitants s'appellent les Amlas. Au plan administratif, la Commune est constituée de 24 communautés (quartiers et villages inclus) qui ont chacun à leur tête un chef traditionnel.
Érigée en commune urbaine depuis octobre 2001, Amlamé est dirigée par une délégation spéciale faisant office de conseil municipal, avec à sa tête un président. Cette situation de délégation spéciale s’explique par le fait qu’il n’y a pas eu d’élections municipales depuis un peu plus de 20 ans, en raison d’un processus de décentralisation et de redécoupage du territoire.
Selon le dernier recensement, la population de la Commune d’Amlamé est estimée en 2015 à 18 477 habitants. Comme pour l’ensemble du pays, elle est extrêmement jeune. La population est constituée de 43% d’enfants de moins de 15 ans, 33% de jeunes âgés de 15 à 34 ans et de 24% des personnes âgées de 35 ans et plus. Les hommes sont plus nombreux : ils représentent 50,15% de l’ensemble de la population contre 49,84% pour les femmes. La densité de la population communale est de 99 habitants au km².
L'économie de la commune
L'agriculture et l'élevage: les piliers de l'économie locale
Située dans une région aux terres très fertiles et une pluviométrie au-dessus de la moyenne nationale, l’agriculture y est la principale activité économique de la Commune. Elle occupe près de 80% de la population active. Les grandes cultures de la zone sont :
- Les cultures vivrières : le maïs, le haricot, le fonio, le niébé, le mil, l’igname;
- le riz, le pois d’angole, le manioc, les produits maraichers;
- les cultures industrielles : Arachide, Coton, Elaeis guinensis Palmier à huile;
- Les fruitiers : oranges, bananes, cola, cocotier.
Il est important de noter qu’Amlamé est située dans une région considérée comme le grenier du Togo. Les différentes cultures vivrières qui y sont produites servent pour la consommation locale, mais aussi alimentent les marchés régionaux ainsi que l’ensemble du pays et sont même exportés vers les pays voisins principalement le Ghana et le Benin. Les cultures industrielles alimentent quant à elles les quelques unités agroalimentaires du pays ou sont exportées vers les pays occidentaux pour être transformées.
Le haricot et le maïs constituent les premières cultures vivrières de la Commune. Le fonio, localement appelé « Wahè » est la culture de prédilection des Akposso, principale ethnie peuplant la Commune d’Amlamé. L’agriculture utilise encore des techniques archaïques et des outils rudimentaires comme le défrichage par brulis, le sarclage, la force humaine ; houe et coupe-coupe, la daba etc… Cela explique que la productivité soit moyenne malgré la fertilité des sols.
Les familles pratiquent également l’élevage des volailles, celle des petits ruminants et des bovins, etc. L’élevage n’est donc pas encore modernisé, sauf quelques exceptions.
L'artisanat
Ce secteur regroupe la couture, la coiffure, la mécanique, la menuiserie, la sculpture, la fabrication artisanale de panier et de claie.
Le commerce
Les activités commerciales sont centrées autour de la vente des produits vivriers et fruitiers provenant de l’agriculture. Ce secteur est contrôlé principalement par les femmes.
Amlamé et son Agenda 21 local: une première planification de développement durable
La première expérience de planification rurale durable a vu le jour à Kpélé-Tsiko, avec l’accompagnement technique de l’ONG JVE. Intéressées par l’initiative, les autorités municipales de la Ville d’Amlamé ont exprimé leur volonté d’élaborer un A21L, en cohérence avec leurs besoins et priorités. Avec l’appui technique de l’ONG JVE, Amlamé a effectivement entamé en mai 2014 le processus d’élaboration de son A21L pour une durée de 15 ans, conformément à la Loi du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales.
L’A21L a été soutenue par les autorités municipales afin d’améliorer les conditions sociales et le cadre de vie de la population. Suite à une lettre du Président de la délégation spéciale d’Amlamé, l’ONG JVE a été mandaté pour donner son appui technique au projet. L’A21L a donc été cofinancé par la mairie d’Amlamé et l’ONG JVE, et ce à plus de 85%. Le reste du financement provient des cotisations des opérateurs économiques, le Syndicat des conducteurs de taxi-moto et les groupes religieux. Lors de la planification financière, le coût global de mise en œuvre de l’A21L a été fixé à environ 3 800 000 euros, incluant le coût total des projets ainsi que celui de la vulgarisation, le suivi et l’évaluation de l’A21L.
Le processus d'élaboration de l'A21L
Le processus a connu plusieurs étapes : l’organisation d’un diagnostic communal participatif (avril et juillet 2014), la définition de la vision du développement de la Commune, l’identification des orientations stratégiques et des objectifs (juillet 2014), la programmation (juillet et août 2014) et la validation par le comité de pilotage (octobre 2014).
Ce processus s’est déroulé avec la participation de toutes les parties prenantes du territoire de la Commune : Conseil communal, des représentants des organisations de la société civile, des services techniques déconcentrés de l’État, du comité de pilotage et des différentes catégories socioprofessionnelles.
Les objectifs du projet A21L
Les objectifs consistent à :
- faire un état des lieux des tendances actuelles de développement de la commune;
- recenser les réels besoins de la muncipalité à court, à moyen et à long terme;
- élaborer un profil environnemental;
- élaborer un plan d'action local durable (document Agenda 21) sur 15 ans; en tenant compte des besoins recensés et du profil environnemental retenu;
- adapter les priorités recensées dans le cadre de l'A21L aux objectifs de développement durable sur le plan national;
- identifier les stratégies de mise en oeuvre des actions retenues telles énumérées dans le document A21L d'Amlamé.
La structure de travail
En effet, dans le cadre de l’A21L, une rencontre publique a été faite (juillet 2014). Elle a rassemblé les personnes ressources, les autorités locales et municipales, les ONGs ainsi que les représentants des institutions déconcentrées.
Notons qu’à l’issue de cette réunion, un décret a été signé pour donner un statut juridique à l’initiative. Cette délibération publique a permis de mettre en place le cadre institutionnel du projet, notamment le comité de pilotage et les commissions thématiques. Lors de cette réunion, le comité de pilotage et le noyau des individus qui vont constituer les commissions ont été formés.
Une réunion a été organisée par l’équipe technique du projet composé alors de deux membres du personnel communal affecté à cette tâche. La réunion s’est soldée par l’élection de 15 membres du comité de pilotage, constitués essentiellement des membres de l’ONG PACHS, du corps enseignant, du secrétariat de la Préfecture d’Amou. Le bureau directeur du comité de pilotage a été désigné. Le comité de pilotage se réunit chaque mois pour faire le suivi des activités planifiées ou pour prendre des décisions relatives à l’évolution du projet.
Le comité de pilotage
Le comité est composé de 15 membres et se divise en 3 pôles. Le pôle suivi de l’avancement des travaux, le pôle suivi scientifique et le pôle rédaction. Ce comité a pour mandat de conduire le processus d’élaboration du document A21 d’Amlamé jusqu’à la validation finale avec l’appui du comité technique.
Le comité technique
Le comité technique est essentiellement composé des consultants externes, de l’équipe de projet composée de trois sociologues, un géographe, économiste, un spécialiste en planification du développement local et un climatologue. Ce comité a pour mandat de réaliser les activités nécessaires planifiées tout au long du processus. Il interagit avec les membres du comité de pilotage pour atteindre les objectifs assignés au projet.
Une démarche de développement durable en plusieurs étapes
La démarche a été participative, interactive et a intégré l’aspect genre, l’approche environnementale et la responsabilisation des acteurs. Les principales étapes de la démarche sont :
- Séances de sensibilisation de masse et de proximité
Pour mobiliser les différents groupes sociaux autour du projet, des séances de sensibilisation, à travers les réunions publiques et ateliers, ont été organisées. Outre les sensibilisations auprès des populations, les différents groupes socio-culturels et religieux ont été sensibilisés en petits groupes de proximité.
- Mise en place du comité de pilotage et des groupes thématiques
L’arrangement institutionnel du processus exige la mise en place du comité de pilotage constitué essentiellement des enseignants, des agents de la société civile et des cadres du milieu. Au départ. Il y a eu 14 groupes de travail thématiques sur les enjeux de DD de la Commune, mais elles ont été réduites plus tard à 10.
- Lancement officiel du processus
La cérémonie de lancement officiel du projet a eu lieu en mai 2014 en présence de tous les acteurs de développement impliqués dans le processus et les autorités municipales. Cette cérémonie a été le point de départ officiel de l’A21 d’Amlamé.
- Séance de formation
Pour outiller les acteurs impliqués dans le projet, plusieurs séances de formation ont été organisées : la formation des membres du comité de pilotage et du conseil communal sur les étapes de l’élaboration d’A21 local, la formation des ambassadeurs de l’A21, qui sont des représentants dans les quartiers et les et groupes de travail sur la manipulation des outils de collecte et traitement de données tels que le logiciel CRiSTAL, le guide d’entretien et les questionnaires.
- Administration des questionnaires
Les questionnaires ont été administrés selon les différentes thématiques à raison de 25 questionnaires par thème à l’exception de la commission environnement et changement climatique. Au total 325 questionnaires ont été administrés auprès de la population par 60 enquêteurs, repartis dans les villages et quartiers de la commune. L’enquête a été tout de même soutenue par les membres des groupes de travail et les ambassadeurs A21 qui menaient une vérification des données sur le terrain.
- Entretien individuel approfondi
Pour vérifier et compléter les informations quantitatives recueillies sur le terrain, des entretiens individuels auprès des responsables de services déconcentrés, des ONGs et des personnes ressources ciblées de la commune ont été faits. Cette phase de collecte d’information qui a pris huit jours a permis d’avoir des informations qualitatives de première main.
- Discussions commentaires (focus group)
Des discussions communautaires ( juillet- août 2015) ont eu lieu dans une dizaine de villages et quartiers : Adjahoun, Kpètè, Adapé, Onè, Ezimé, Agadji et les quartiers d’Amlamé, tels que Oukpaha, Awladounou, Zongo, Amlamé II .
- Analyse des données et rédaction du rapport
Les données d’enquête ont été dépouillées et analysées statistiquement avec les logiciels EXCEL 2010 et CRiSTAL. Les informations qualitatives ont été décrites, analysées et compilées. Le diagnostic ainsi que les actions souhaitées ont été prévalidés dans tous les quartiers.
- Consultation et adhésion au projet
La réalisation du projet A21 nécessite la consultation et l’adhésion des autorités municipales, de la chefferie et de la population de la commune en général. Ainsi dans le cadre de ce projet plusieurs réunions préparatoires ont été organisées avec les autorités municipales et locales, notamment les chefs de village et de quartier, les présidents des comités villageois de développement et des Comités de développement de quartier, des personnes ressources et des ONGs de la commune (PAHCS et Bornfonden) pour obtenir leur implication et leur adhésion effective.
A la lumière des forces, des faiblesses, des opportunités et des menaces du développement, les acteurs communaux ont formulé et adopté pour la vision suivante :
À l’horizon 2030, Amlamé est une Commune de référence gérée sur les principes de la bonne gouvernance avec des infrastructures modernes, où les citoyens jouissent de leurs libertés et droits fondamentaux, exercent leurs activités économiques en harmonie avec l’environnement.
À partir de cette vision, les parties prenantes ont formulé quatre orientations stratégiques :
Orientation stratégique 1 : renforcement de la gouvernance institutionnelle de la Commune
Orientation stratégique 2 : amélioration des infrastructures et de la qualité des services sociaux de la Commune
Orientation stratégique 3 : promotion de l’économie locale
Orientation stratégique 4 : promotion de la gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles.
À partir de la vision et des orientations stratégiques, 27 objectifs stratégiques de développement ont été définis. Ces objectifs ont été traduits en projet dont 49 résultats attendus et 128 activités à réaliser (confère le document A21L d'Amlamé p 33-54).
- Communication sur le processus
Pour rendre plus visibles les actions du projet, un site web a été créé ainsi qu’une page Facebook dédiée aux informations continues. Des dépliants ont été également conçus pour animer les sensibilisations citoyennes et les émissions radio.
Suivi: 4 ans après le lancement de l'A21L d'amlamé
Depuis le lancement de l’A21L plusieurs activités ont été menées, des réalisations faites et d’autres sont en cours. Malgré les difficultés qu’il rencontre, l’A21L est toujours en cours d’exécution.
C’est l’organe technique de gestion et de suivi qui en est responsable. Les plans annuels qui sont élaborés à partir de l’A21L indiquent avec précision les activités envisagées sur les douze (12) mois, le budget, le calendrier d’exécution, le schéma de financement identifient les personnes responsables et celles impliquées dans l’exécution du plan annuel. Ces plans annuels sont à leur tour déclinés en plans trimestriels ou semestriels, qui sont à chaque fin de période évalués, avant l’élaboration d’une autre programmation. Les plans annuels sont élaborés par l’organe technique de gestion et de suivi avant les sessions du Conseil communal, celui-ci devant statuer sur le plan des actions annuelles.
Le suivi porte sur les activités, les indicateurs et l’exécution du budget. Pour obtenir une grande efficacité dans la mise en œuvre de l’A21, les autorités communales et l’organe technique de gestion et de suivi accordent une attention particulière aux actions prioritaires identifiées.
Sur les dossiers techniques (termes de références, projets spécifiques, dossiers d’appel d’offres…), l’organe technique de gestion et de suivi fait appel à des spécialistes, en fonction des domaines visés, soit au niveau des services déconcentrés de l’État, soit au niveau des ONG, cabinets ou personnes ressources intervenant dans la Commune, soit encore au niveau des ressortissants qualifiés de la Commune, soit la diaspora locale.
Une évaluation à mi-parcours est prévue après cinq ans. Cette activité permettra de procéder aux réajustements et réaménagements nécessaires pour tenir compte du rythme de mobilisation des ressources et de mise en œuvre des actions prévues.
L’évaluation finale aura lieu à la fin des quinze (15) ans d’exécution du projet. Ces évaluations sont faites par l’équipe communale (élus et administration communale) avec l’appui d’une personne ressource ou d’un bureau d’études.
Les résultats
Après quatre ans, plusieurs actions ont été réalisées :
- la construction d’un centre d’accueil sous forme d’auberge, en partenariat avec la Ville d’Aiffres en France par le biais d’un jumelage afin d’offrir un cadre d’accueil pour les visiteurs et touristes désireux de visiter le milieu;
- le programme d’extension d’électrification rurale et urbaine dans les quartiers périphériques de la ville d’Amlamé;
- l’Aménagement de la route nationale N°5 qui traverse la commune a créé un nouvel attrait pour le développement des activités économiques et commerciales;
- la construction d’un nouveau bâtiment scolaire à l’EPP Agadji ;
- la rénovation des locaux de la Mairie d’Amlamé;
- l’élaboration du schéma directeur, exécuté par une agence du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, à travers la construction de 5 km de rues secondaires pour désenclaver la commune;
- enfin, le resserrement des liens socio-ethnico religieux de la population.
Malgré ces résultats probants, quelques difficultés ont entravé le déroulement des activités. Parmi celles-ci on note le manque d’adhésion effective des populations locales autochtones au projet, ce qui a rendu la mobilisation communautaire un peu faible. Il est à souligner tout de même que la mise en place du comité de pilotage n’a pas suivi un processus démocratique par conséquent certains membres dudit comité ont été souvent indisponibles pour participer aux réunions et aux activités. Toutefois, la difficulté majeure demeure le manque de financement suffisant pour réaliser toutes les activités prévues par le projet.
Des leçons ont été apprises, telles que la nécessité d’intensifier les séances de sensibilisation sur toute la période de planification du développement local durable, soit l’A21L, afin de faire adhérer tous les villages, les quartiers et les populations. Le grand défi pour l’appropriation des résultats de l’A21 d’Amlamé, sur une période de 10 à 15 ans, consiste à mobiliser plus de ressources pour financer la mise en œuvre des actions stratégiques ainsi qu’un dispositif de suivi et d’évaluation efficace.
Plus d'informations
Comment citer ce texte ?
N'TSAKPE, D. (2019). «L’Agenda 21 de la commune d'Amlamé (Togo) 2015-2030 : à planification durable, communauté résiliente ». Dans GAGNON, C. (éditrice). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/amlame-togo/ (page consultée le jour mois année).
Dernière modification: 3 mai 2019