Définitions de l’Agenda 21e siècle local

 

Christiane Gagnon

Un outil intégré de planification du développement durable viable

Résumé
La définition de l’Agenda 21e siècle local (A21L) a évolué depuis le Sommet de la Terre, à Rio, en 1992, et suite aux nombreuses initiatives en cours. Depuis, l'A21L a été reconnu comme un outil intégré de planification et de gestion du développement durable et viable, à l'échelle des collectivités territoriales, comme un cadre d'action stratégique, comme une innovation dans la gouvernance territoriale. Pour mieux comprendre sa portée, nous revenons sur sa définition, ses composantes et les territoires d'actions pertinents.

L’Agenda 21 est un programme international de mise en œuvre du développement durable (DD), pour le 21e siècle, structuré en quatre sections et 40 chapitres. Plus de cent soixante-dix pays l’ont signé lors du Sommet de la Terre à Rio (1992) et se sont engagés à l’appliquer. Le chapitre 28 de cet Agenda stipule que les collectivités territoriales ou municipalités se donneront un Agenda 21e siècle local (A21L), c’est-à-dire un plan d’action de DD, approprié aux caractéristiques de leur territoire, favorisant ainsi l’émergence de communautés viables. Ce programme a reçu le support financier des Nations-Unies (NU) via l’International Council for Local Environnemental Initiatives (ICLEI), dont la mission est d’appuyer la mise en œuvre des A21L et soutenir un mouvement international de localités en faveur du DD.

Malgré les desiderata d'organisations internationales et leur financement, les résultats attendus se font toujours attendre. C’est pourquoi les maires, réunis au Sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, y ont réaffirmé et renouvelé l’importance d'une telle démarche participative de planification et d’application du DD, eu égard aux contextes singuliers des collectivités territoriales.

Rappelons que, sur une période d’environ vingt ans, seulement 6 500 agendas locaux (ICLEI, 2002) ont vu le jour dans le monde. Bien que 80 % de ces agendas soient localisés en Europe du Nord, plusieurs pays en voie d’avancement (Brésil, Costa-Rica, Mexique, Cuba) favorisent ce nouveau mode de gouvernance territoriale, soutenu par le programme Habitat des Nations Unies. Toutefois, au Québec, il faudra attendre 2005 pour voir poindre les premières initiatives.

L’Office fédéral sur le développement territorial (ARE) suisse, dans son document Promotion nationale des Agendas 21 locaux en Europe, informe dresse un bilan des A21L dans les pays de l’Union Européenne :

De manière générale, le terme "Agenda 21" est diversement perçu et utilisé:

  • Dans certains pays, pour lesquels les [A21L] ont joué un rôle-clé pour la mise en œuvre du développement durable au niveau local, la tendance est actuellement plutôt à l'intégration du développement durable dans les activités "normales" des collectivités publiques (mainstreaming). C'est le cas, par exemple, de la Suède, de l'Allemagne, des Pays-Bas ou de la Grande-Bretagne. Ces pays étaient pionniers, ayant démarré, à l’exception de l’Allemagne, leurs processus avant 1994. Ces premiers Agendas 21 étaient aussi parfois très orientés sur l'environnement, et ceci a notamment conduit les Pays-Bas à se distancer maintenant de ce terme et à viser l'intégration globale. La Grande-Bretagne quant à elle, après une phase d'Agenda 21, a adopté une nouvelle stratégie intitulée "Community Action 2020".
  • D'autres pays, engagés depuis 95-97, continuent à promouvoir les Agendas 21 en tant que tels: au Danemark, les Agendas 21 sont toujours un pilier fort de la politique en matière de développement durable, étant considérés comme le "chapeau" couvrant les activités d'une commune; en Autriche et en Suisse, la mise sur pied et la gestion d'Agendas 21 sont encore d'actualité, même si, dans ce dernier pays, on utilise volontiers le terme plus général de "démarche de développement durable"; en France, le recours à l'Agenda 21 permet de se distinguer par exemple d'une charte de l'environnement, en indiquant la référence aux trois dimensions.
  • Dans d'autres pays, au sud de l'Europe comme au Portugal, en Espagne ou en Italie, ou dans les pays de l'Est (République tchèque, Estonie), qui se sont engagés récemment sur la voie du développement durable au niveau local, l'Agenda 21 constitue une référence importante et connaît actuellement une forte diffusion (ARE, 2005 : 16-17)

Il y a plusieurs définitions de l’A21L. Selon l’approche adoptée, qui peut être plus ou moins participative, intégrée, politique, plusieurs définitions sont avancées, comme d'ailleurs pour le DD. Nous en présentons ici quelques-unes.

Définition retenue pour ce quide

La définition retenue rejoint globalement celle de l'ICLEI (1997) :

  • « L’Agenda 21 local est un processus multisectoriel et participatif destiné à atteindre les buts de l’Agenda 21 au niveau local et au moyen de la préparation et de la mise en œuvre d’un plan stratégique d’action sur le long terme, plan qui traite des enjeux locaux et prioritaires de développement durable. » (ICLEI, 1997)

Les composantes clefs peuvent donc se décliner ainsi :

  • processus multisectoriel, c’est-à-dire incluant les dimensions environnementale, sociale, économique et de gouvernance ;
  • de territoire participatif incluant les citoyens, les élus et les acteurs territoriaux ;
  • initié par une collectivité territoriale ou par un organisme du milieu, tel qu'un comité d’environnement ou une agence de développement local, etc. ;
  • destiné à traiter localement des enjeux et des principes du DD, incluant les enjeux territoriaux du ou des territoires d'actions pertinents (arrondissement, quartier, ville, regroupement de villages, bassin versant, MRC, région) ;
  • aux moyens de la mobilisation et du renforcement des capacités des individus (Ayeva, 2003), des groupes sociaux et des organisations (privées, publiques), à l'aide d’outils appropriés (dont l’état des lieux, le diagnostic territorial, la vision stratégique), d’un plan d’action à long terme (objectifs et actions) et de son suivi.

Nous ajoutons que c’est un outil opérationnel (plan d’action/priorités/orientations) pour guider les décisions (court/moyen/ long terme), et faire une gestion plus efficiente à l’échelle d’un ou des territoire (s) d’action (s) pertinent (s).

Enfin, nous qualifions l’A21L d’une innovation sociale, appliquée à l'aménagement durable et conséquemment à la gestion du territoire, puisqu'il s'agit :

  • d'une transformation sociale dans la façon de penser et de faire le développement tant sur le plan des énoncés et de la gestion des politiques/actions publiques et privées ;
  • d'une nouvelle gouvernance territoriale, caractérisée d'une part, par une complémentarité entre la démocratie élective et participative, et, d'autre part, par la responsabilisation de tous les acteurs territoriaux ;
  • d'une meilleure transparence dans le mode décisionnel concernant le territoire et sa gestion;
  • d'une vision commune et mobilisatrice du territoire ;
  • d'une démarche en continu du territoire apprenant ;

associant des concepts clefs tels que:

  • la gouvernance territoriale ;
  • la participation citoyenne, la forte mobilisation des acteurs territoriaux et leur responsabilisation ;
  • la territorialisation des enjeux du DD ;
  • la vision et le plan d'action stratégique ce qui induit la notion de prospective et de temporalité.

Définitions de l'Union européenne

Les Français définissent souvent l’A21L comme un projet mobilisateur de territoire. À titre d'exemple, voici comment la Ville de Montreuil (France) le définit :

  • « L’A21 est aussi et avant tout un moyen d'entamer une dynamique, de développer l’implication citoyenne, d'informer, de sensibiliser toute la population, d'organiser des débats et des échanges sur des thèmes précis qui feront demain l'avenir des enfants du XXIe siècle » (Ville de Montreuil, France)

L’Office fédéral sur le développement territorial (ARE) suisse, dans son document Promotion nationale des Agendas 21 locaux en Europe, informe des éléments de définition selon les pays :

« Généralement les pays se réfèrent à Rio (Agenda 21) ou à l’ICLEI pour leur définition d’un [A21L]. Mais aussi bien l’Autriche

Le Danemark a recommandé une démarche commune pour les [A21L] en forme de lignes directrices. Celles-ci proposent quatre points principaux à suivre, soit: donner une perspective holistique à l’action intersectorielle, favoriser une participation active du public, promouvoir la pensée communautaire et l’approche du cycle de vie, ainsi que poursuivre une optique globale et une perspective du long terme dans les affaires locales.

La "Frederikstad Deklaration" pourrait être considérée comme un cadre commun pour les [A21L] en Norvège. Cette déclaration peut être signée par des autorités locales ou régionales. Elle définit des buts et des priorités communs. Un set de critères pour des activités [A21L] servant de lignes directrices pour les autorités locales a également été édité (Sustainable municipalities – Are we on the right track ?, NMoE/NALRA, 1999). Son but est de fournir des idées pour des actions locales.

La France a défini cinq critères concernant le processus, de même que cinq objectifs de contenu.

La liste des critères de la République tchèque sert avant tout à évaluer la démarche [A21L] ainsi que les mesures proposées, afin de déterminer si un [A21L] mérite un soutien financier (du gouvernement national ou de l’UE) ou non. » (
que la Suisse ont reconnu l’importance de standards minimaux, suivis dans tout le pays, pour une démarche [A21L]. Les deux pays procèdent par une liste de critères de qualité pour définir une démarche idéale. Ces critères concernent les principes fondamentaux du développement durable, la démarche d’amélioration continue et des facteurs de succès. En Suisse, ces critères doivent servir de base de réflexion plutôt que de marche à suivre stricte, tandis qu’en Autriche il est ardemment désiré que ces critères soient appliqués pour chaque [A21L]. Dans ce pays, le programme de travail commun pour la mise en oeuvre d’un [A21L] est promu par les "Landesumweltreferenten" qui lancent un appel aux régions et aux communes pour qu’elles initient un [A21L] selon ces critères.ARE, 2005 : 16)

Ce que n'est pas un Agenda 21e siècle local !

L’ICLEI proposa, en 1997, de nuancer la définition par la négative, c'est-à-dire en dressant la liste des initiatives qui ne sont pas considérées comme un A21L :

  • « les activités pour lesquelles les responsabilités du ressort des paliers nationaux de gouvernement en matière de mise en œuvre de l’Agenda 21 sont déléguées à des gouvernements locaux ;
  • les activités planifiées sur la base d’un processus de consultation publique ponctuel dans le temps plutôt que celui d’un processus participatif et continu ;
  • les activités qui n’engagent pas une diversité de secteurs locaux ;
  • les activités qui n’appliquent pas le concept de DD, selon une approche intégrée des enjeux environnementaux, sociaux et économiques» (ICLEI, 1997).

Quel est le territoire pertinent pour réaliser un Agenda 21e siècle local ?

Le territoire local peut ici recouvrir plusieurs types de territoires. Un A21L peut se faire aussi bien à l’échelle :

  • d’une région ;
  • d’une microrégion telle qu'une municipalité régionale de comté (MRC), un groupe de MRC ou un groupe de municipalités ;
  • d’une municipalité ou d'un regroupement de muncipalités (voir Estran-21) ;
  • d’un quartier ou arrondissement (Quartiers 21 de la Ville de Montréal) ;
  • ou encore d’un bassin versant.

Quel que soit le territoire choisi par les acteurs, le choix du territoire pertinent conditionne aussi le type d’A21L, le processus et les résultats obtenus.

Que retenir ?

La conception dominante du développement relève, encore aujourd’hui, d’une vision sectorielle et verticale (Gagnon, 2002). Les politiques et les programmes, tout comme l‘information, demeurent fragmentés, peu adaptés aux spécificités locales. Pourtant, le développement local viable d’un territoire (Gagnon, 1994) ou d’une communauté territoriale nécessite une vision panoramique, une compréhension globale, une vision transversale des problématiques, selon un cadre d'action stratégique.

L’A21L, de par sa définition et ses méthodes, permet d’intégrer transversalement des dimensions du développement, des temporalités, des échelles diverses:

  • multitemporel : le passé, le présent et le futur ;
  • multidimensionnel : liens entre les 4 dimensions du DD, soit le social, l’environnement, l’économie et le territoire et les problématiques transversales suscitées ;
  • multiscalaire : bien que centrée sur le territoire pertinent, le plus souvent local, l’A21L ne peut ignorer les politiques, les contraintes et les caractéristiques sociales et environnementales, d'abord régionales et ensuite , nationales et internationales dans la mesure du possible ;
  • multi-acteurs : il associe le privé, le public et le communautaire ;
  • et, enfin, il favorise l’émergence d’une culture de responsabilisation des acteurs et des élus ainsi que l’émergence d’une culture de transparence dans les décisions (Gagnon, 2006b), en vue de soutenir une maîtrise sociale du territoire (Gagnon, 1994).

Comment citer ce texte ?

GAGNON, C. (2007). « Définitions de l’Agenda 21e siècle local. Un outil intégré de planification du développement durable viable ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9569_fr.html (page consultée le jour mois année).

En complément

La construction d'un partenariat avec la communauté

La mobilisation des ressources et la concertation

La vision stratégique

L'élaboration d'un plan d'action A21L

Consulter une démarche québécoise d'A21L dans la Galerie d'expérience

L'A21L d'Estran-21

Pour aller plus loin...

AYEVA, T. (2003). Gouvernance locale et renforcement des capacités. Quelques pistes de réflexion pour un développement territorial durable des collectivités rurales, sous la direction de Bruno Jean, CRDT, Rimouski, 49 p.

GAGNON, C. (1994). La recomposition des territoires. Développement local viable: récits et pratiques d'acteurs sociaux en région québécoise, Paris, Harmattan, 271 p.

GAGNON, C. (2002). Modèle de suivi des incidences sociales, évaluation environnementale et développement régional viable, Université du Québec à Chicoutimi, 163 p.

GAGNON, C. (2006a). « L’agenda 21 local : un outil de développement durable et viable, sous-utilisé par les collectivités territoriales québécoises ». Dans ROBITAILLE, R., J-F., SIMARD, et G., CHIASSON. (Dir). L'Outaouais au carrefour des modèles de développement, CRDT, CRDC, UQO, Gatineau, pp. 133-143.

GAGNON, C. (2006b). L’Agenda 21 local: un outil intégré de développement durable viable et de gouvernance territoriale, Colloque sur le développement durable du CRE, Gaspé, 18-19 mai 2006, sur le site www.uqac.ca/cgagnon.

INTERNATIONAL COUNCIL FOR LOCAL ENVIRONMENT INITIATIVES (ICLEI). (1997). Local Agenda 21 Survey ; a study of responses by local authorities and their national and interational associations to Agenda 21, ICLEI, UNDPCSD.

INTERNATIONAL COUNCIL FOR LOCAL ENVIRONMENT INITIATIVES (ICLEI). (2002). Second Local Agenda Survey Report, UN Department of economic and social affairs, 29 p. [Consulter aussi le résumé en français]

OFFICE FÉDÉRAL DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL (ARE). (2005). Promotion nationale des Agendas 21 locaux en Europe, 34 p.

ORGANISATION MONDIALE DU TOURISME (OMT). (2001). Actions in Assisting Developing Countries to Implement Agenda 21. Undertaken by the World Tourism Organization since 1992, MOT/WTO [En ligne].

ROCHE, V. (2004). Éléments d’argumentations en faveur des Agendas 21 locaux au Québec, sous la direction de Christiane Gagnon, ARUC Économie sociale, Montréal, 105 p.

Site internet

Comité 21

Dernière modification: 18 février 2015