Estran

 

Présentation du projet

L’Estran est le nom désignant la portion du littoral entre les plus hautes et les plus basses marées. C’est aussi le nom qui a été adopté pour désigner quatre municipalités voisines, situées sur la rive nord de la Gaspésie (Québec, Canada) :

  • Ste-Madeleine-de-la-rivière-Madeleine ;
  • Grande-Vallée ;
  • Cloridorme ;
  • Petite-Vallée.

© Estran-21

Ce territoire s’étend sur une soixantaine de kilomètres entre Manche d’Épée et Saint-Yvon et compte environ 2 500 habitants. Depuis 2001, ces quatre municipalités se sont regroupées – avec l’appui de la Chaire multifacultaire de recherche et d’intervention sur la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine de l’Université Laval (MRIGIMUL) – pour développer un projet visant la revitalisation et la dynamisation du territoire dans une perspective de développement durable (DD), inspirée de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (Rio de Janeiro, en juin 1992).

« Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. » (Déclaration de Rio, 1992)

Tel est le premier principe énoncé par les pays signataires de la Déclaration de Rio, afin de respecter les intérêts de tous et protéger l'intégrité de l'environnement et du développement. Les domaines d'actions qui constituent l’Agenda 21e siècle local (A21L) se présentent sous quatre rubriques :

  • dimensions sociale et économique ;
  • conservation et gestion des ressources aux fins du développement ;
  • renforcement du rôle des principaux groupes ;
  • moyens d’exécution.

Au fil des ans, ces municipalités ont posé les bases du premier A21L au Québec et, en novembre 2003. Elles ont mis en place l’organisme Estran-Agenda 21 qui a pour mandat de faire les démarches pour implanter un premier projet de Paysage humanisé au Québec.


© Estran-21

 

Contexte de la démarche

La dernière décennie du 20e et le début du 21e siècle sont tombés sur l'industrie gaspésienne comme une chape de plomb. Du moratoire sur la pêche, décrété quelques années plus tôt, c'est en cascade que se sont succédées les fermetures des principaux moteurs économiques: Mines Gaspé à Murdochville, Gaspésia à Chandler et tout dernièrement, Smurfit-Stones à New-Richmond. Les gens – les jeunes surtout –, fuient ce tsunami pour trouver refuge dans les grands centres. C'est la désolation !

Les gens de l’Estran refusent de baisser les bras face l'épuisement des ressources premières classiques et le contexte de mondialisation qui n'épargne aucun coin de pays. C'est par la porte de l'économie que les gens de l'Estran, de concert avec les universitaires de l'Université Laval, ont décidé de mettre en place un modèle de DD local.

C'est à la suite de cette démarche entreprise en 2001 que ce coin de pays, composé de vallées, de mers et de montagnes, poursuit en revendiquant le statut de Paysage humanisé projeté, aire protégée au sens de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel du Québec, et étape première pour l’obtention d’un statut juridique.

Dès 2000, un groupe de personnes de l'Estran tient un premier colloque pour faire le constat de la dévitalisation et de la déstructuration du territoire et sonder la volonté des gens à changer les choses. Laval Doucet, de l'Université Laval, participe à cette journée, récupère des idées et élabore une stratégie d'intervention que l'on peut retrouver dans une conférence qu'il prononça au printemps 2001, lors du Congrès annuel des sciences sociales et humaines tenu à l'Université Laval.

Par la suite, il y eût formation d'un comité intermunicipal ayant pour mandat de préparer, pour le mois de mai 2002, une intervention structurée et concertée d'un groupe d'universitaires. Ce comité se donne aussi comme mandat de sensibiliser la population à une économie de DD.

Les objectifs d’Estran-Agenda 21

Incorporé légalement en 2003 à la demande des quatre conseils municipaux, Estran-Agenda 21 s’est donné la mission suivante :

favoriser la revitalisation sociale, économique et environnementale – par la concertation ainsi que l’éducation – pour l’implantation et l’animation d’un Plan d’action local pour le 21e siècle (A21L) en Estran. Sur une toile de fond aux couleurs d’un Paysage humanisé, Estran-Agenda 21 oeuvre pour un développement humain participatif qui permet de satisfaire équitablement les besoins des générations présentes et futures de l’Estran.

Les objectifs spécifiques inscrits dans la charte d’Estran-Agenda 21 sont les suivants:

  • mettre en place un processus de réflexion collective entre les gens des communautés locales de l’Estran et les universitaires afin de favoriser l’émergence d’une culture de concertation, de participation et de collaboration entre les partenaires ainsi qu’un esprit d’entrepreunariat en Estran ;
  • sensibiliser, informer, mobiliser et engager les gens des communautés locales du territoire de l’Estran aux divers travaux, projets et activités d’Estran-Agenda 21 ;
  • informer les universitaires de ce qui se réalise en Estran;
  • mobiliser en tenant compte de l'intérêt des gens du milieu de manière à permettre d'amorcer des échanges et des discussions entre les universitaires, les Estranais et Estranaises ;
  • impliquer dans une perspective de DD les différentes communautés d'intérêt dans l'identification des ressources du milieu, l'évaluation de leur potentiel d'exploitation et les modalités de leur mise en valeur ;
  • s'assurer d'une pérennité d'Estran-Agenda 21.

Au fil du temps, un projet rassembleur s’est dessiné, soit celui d'obtenir du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), le statut de Paysage humanisé reconnaissant l’Estran comme territoire remarquable tout en y permettant la poursuite et l’évolution des activités humaines dans une perspective de DD.

Avec la collaboration de la chaire multidisciplinaire (MRIGIMUL), les membres et partenaires d’Estran – Agenda 21 s’activent actuellement autour de deux projets :

  1. le projet pilote de Paysage humanisé de l’Estran;
  2. et l’École d’été de l’Estran sur les A21L (ÉÉA21)

L’École d’été est née de la pertinence de transmettre le savoir et savoir-faire issus de l’expérience et des connaissances acquises par la collaboration entre des citoyens de l’Estran et des professeurs/étudiants de différentes facultés de l’Université Laval. L’École (ÉÉA21) offre un cours intensif annuel d’une semaine en Estran, dont la réussite donne aux participants une attestation d’étude délivrée par la direction générale de la formation continue de l’Université Laval.

© Estran-21

 

La structure de travail

Représentant et oeuvrant pour les quatre municipalités de l’Estran, le Conseil d’administration d’Estran-Agenda 21 est composé :

  • d’un élu de chacun des villages ;
  • d’un citoyen de chacun des villages ;
  • et d’un représentant de la Chaire MRIGIMUL.
  • Des rencontres d’information et de discussion ont lieu approximativement trois fois par année avec chacun des quatre conseils municipaux de l’Estran et le Conseil d’administration d’Estran-Agenda 21. De plus, des comités sectoriels sont ponctuellement mis en place selon les besoins émergents : ces comités sont des groupes d’intérêts auxquels participent des citoyens bénévoles accompagnés d’experts ou étudiants spécialisés dans le domaine d’intérêt. Le mandat de chaque comité sectoriel est de développer une planification d’interventions, à partir des diagnostics et des enjeux identifiés par et pour l’Estran, pouvant s’inscrire non seulement dans l’A21L, mais également dans l’éventuel plan de protection, conservation et mise en valeur du Paysage humanisé projeté. Les thèmes discutés sont :
  • société et économie ;
  • culture ;
  • écologie ;
  • ressources naturelles et agriculture ;
  • tourisme ;
  • éducation, communication et sensibilisation.

L’implication des organismes du milieu est donc assurée sous forme :

  • de consultation individuelle des organismes ;
  • d'implication et/ou représentation dans les comités sectoriels ;
  • d'invitation à la table de concertation.

Enfin, en 2006, une table de concertation multisectorielle a été formée, où l’on retrouve les élus, les représentants des organismes et institutions, publiques ou privées, de l’Estran et les participants des comités sectoriels, pour faire le point sur les activités et valider les orientations à prendre pour le DD du territoire. Estran-Agenda 21 souhaite que cette table multisectorielle se rencontre au moins une à deux fois par année.

Le personnel d’Estran-Agenda 21 est constitué :

  • d’une personne à la coordination ;
  • et d'une personne au secrétariat, appuyée par des professionnels spécialisés, selon les besoins, provenant de la Chaire MRIGIMUL, du MDDEP ou autre alliance stratégique.

Outre la recherche de financement, toujours nécessaire à la continuité de l’organisme, le personnel est responsable d’organiser les réunions, de les animer et de compiler les informations devant servir aux projets en cours. Estran-Agenda 21 assume les coûts (déplacements, fournitures…) et appuie les comités dans les activités liées à l’Estran.

Un article mensuel dans le journal communautaire informe et invite l’ensemble de la population à participer aux activités en cours. La population est également consultée par des sondages ponctuels sur des questions spécifiques. Ainsi, le dernier sondage téléphonique, réalisé à l’automne 2006 vise, d’une part, à s’assurer que toute la population connaît Estran-Agenda 21 et, d’autre part, vérifier si elle est en accord avec ses orientations.

© Estran-21

 

En résumé, les étapes de la démarche en Estran se sont déroulées comme suit :

  • 2001 : mobilisation d’un groupe de personnes intéressées ;
  • 2002 : consultations publiques ;
  • 2003 : diagnostic territorial ;
  • 2003 : engagement municipal ;
  • 2003 : mise en place de la structure de travail ;
  • 2004 : recherche de financement ;
  • 2005 : élaboration d’un plan d’action (toujours en cours) ;
  • 2006 : dépôt de la demande de reconnaissance de Paysage humanisé projeté au MDDEP.

Les réalisations selon les étapes

© Estran-21

Au printemps 2002, six comités de travail ont été formés et ont eu comme mandat de mettre sur papier les problématiques et de proposer des solutions. Les données recueillies par les universitaires ont servi de base à la démarche entérinée collectivement lors d’un nouveau colloque en 2003. C'est lors de ces rencontres que l’idée d’un Paysage humanisé pour ce territoire fut apportée.

En 2003, des universitaires et des gens de l'Estran ont poursuivi les objectifs d'information et de mobilisation en publiant des articles dans le journal local Le Phare; en réalisant un sondage et en organisant, avec le Centre local de développement (CLD) de la Côte-de-Gaspé, un miniforum.

 

Des 1 200 questionnaires distribués en Estran, 312 ont été complétés. Les résultats sont probants: le Paysage humanisé intéresse la majorité des répondants. Une vidéo a été réalisée afin de mettre en lumière les incidences que pourraient avoir le Paysage humanisé sur le territoire en appliquant les principes des parcs naturels habités européens – exemples les plus proches du concept de Paysage humanisé, nouveau concept au Québec.
À l’occasion du colloque en mai 2003, réunissant une vingtaine d'universitaires et quelque soixante Estranais, la volonté des gens de l'Estran a été claire et un consensus s’est dégagé en ce qui concerne l’exploration des possibilités d'obtenir le statut de Paysage humanisé en Estran.

En 2004, Estran-Agenda 21 concentra ses efforts sur : la recherche de partenaires financiers; une visite exploratoire en Estran d'un responsable (Vincent Gerardin) de la direction des aires protégées du MDDEP; une rencontre à Québec rassemblant des responsables du MDDEP de même que du ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) et une mission exploratoire dans les parcs naturels belges.

L'année 2005 fut marquée par :

  • la production d'un mémoire au ministre Thomas Mulcair du MDDEP sur l'avant projet de loi sur le DD ;
  • l'engagement pris par la Chaire en paysage et environnement de l'Université de Montréal (CPEUM) de participer au montage de la Demande de reconnaissance de Paysage humanisé projeté de l’Estran. Ce document, synthèse du diagnostic territorial, est divisé en trois parties présentant successivement le portrait historique et social de l’Estran, ses patrimoines naturels, paysagers et culturels, et enfin la volonté commune des gens du territoire pour le projet de Paysage humanisé de l’Estran ;
  • la signature d’une entente intermunicipale de gestion du projet ;
  • la visite du Recteur de l'Université Laval, M. Michel Pigeon, accompagné d'une équipe responsable de l'implantation de l'École d'été en Estran sur les Agenda 21 ;
  • la reconnaissance, par le MDDEP, d’un premier projet pilote de Paysage humanisé au Québec, accompagné d'une subvention de démarrage.

Le projet de Paysage humanisé, avec son objectif de conservation et de mise en valeur durable des patrimoines naturels, paysagers et culturels de l’Estran, est avant tout essentiellement un projet de société. Son succès est totalement tributaire d’une adhésion sociale aux objectifs fixés : adhésion des citoyens, des organismes concernés et des autorités municipales.

Le suivi, les leçons apprises et les défis

Les démarches à venir devront ancrer la vision de l’Estran dans un plan de gestion, de conservation et de mise en valeur du territoire, en établissant des conventions avec des partenaires clefs tels ministères, organismes régionaux, etc. pour assurer la mise en œuvre de la planification.

À ce jour, quelques leçons sont apprises :

La concertation est un processus long, mais nécessaire pour la durabilité
En effet, il est beaucoup plus rapide et expéditif de prendre des décisions et agir individuellement. Toutefois, si les décisions et actions ne sont pas supportées par la collectivité, elle tend à s’opposer et montrer son mécontentement par voie démocratique lors de scrutin, mettant ainsi un terme au projet individuel. Inversement, une population concertée et mobilisée assure la poursuite du projet auprès des élus.

Les porteurs de projets doivent être déterminés et tenaces
Le manque de moyens financiers et de ressources techniques, surtout pour les milieux ruraux éloignés, les délais bureaucratiques, les rencontres prévues dans les temps libres des bénévoles (et reportées faute de quorum!) et la reprise d’activités après un temps mort (résultant en l’abandon par des personnes auparavant bien engagées), sont parmi les nombreuses difficultés rencontrées par les porteurs de projets.

Le bien commun doit prévaloir
L’engagement en vue de satisfaire les intérêts personnels est humain et les jeux de pouvoir font partie de l’humanité depuis le début des temps. Cependant, il importe de comprendre que le bien commun favorise l’épanouissement des individus alors que l’aspiration individuelle ne résulte pas toujours en un mieux-être collectif. D’où l’importance d’œuvrer en priorité sur les sujets qui obtiennent un consensus.

Une implication de plus en plus grande de la population dans la prise en charge du développement local
Un peu à l’image des oies sauvages, les personnes leaders doivent assurer et appuyer la relève le plus tôt possible, sans pour autant se retirer du processus. Ce mouvement continu d’apprentissage collectif permet non seulement d’éviter l’essoufflement des responsables, mais également de partager les moments de succès avec le plus grand nombre.

Les principaux défis, pour le maintien de l’A21L, sur une période de 15 à 20 ans sont :

Viser les actions les plus consensuelles possibles
Les actions priorisées ne faisant pas l’objet de consensus sont souvent sources de conflits, de division et donc énergivores. Bien que cet objectif soit plus difficile à obtenir, il facilite la mise en commun des savoirs et la solidarité qui, à leur tour, orientent vers d’autres actions consensuelles.

© Estran-21

 

L’auteure s’est grandement inspirée des textes écrits par messieurs Jean-Claude Côté, président d’Estran-Agenda 21, et Laval Doucet, titulaire de la Chaire multifacultaire de recherche et d’intervention sur la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine de l’Université Laval.

Comment citer ce texte ?

VAILLANCOURT, L. (2007). « L'Agenda 21e siècle local de l'Estran. Un projet territorial aux couleurs du Paysage humanisé ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9549_fr.html (page consultée le jour mois année).

Pour aller plus loin...

Le centre local de développement de La Côte Gaspé
Le projet Estran Agenda 21 sur le site de la Chaire multifacultaire de recherche et d’intervention sur la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine de l’Université Laval
Le portail officiel de la Gaspésie
Le portail gouvernemental de la région Gaspésie-Îles de la Madeleine

Dernière modification: 28 janvier 2015

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