L'Agenda 21 Région Île-de-France
Résumé
L'élaboration de l’Agenda 21 Région Île-de-France s’inscrit dans la volonté de faire de cette institution une « écorégion ». Il s’agit d’un A21 institutionnel ou organisationnel. Fruit de plusieurs années de travail, il s'appuie sur l’exercice de planification et d’aménagement du territoire pour les 25 prochaines années qui s'est matérialisé par la Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) et il définit les principes et modalités de prise en compte du développement durable (DD) touchant toutes les politiques de la région.
Démarche d'élaboration
L'élaboration de l’Agenda 21 Région Île-de-France s’inscrit dans la volonté d'en faire une « écorégion ». Il s’agit d’un A21 institutionnel. Il ne concerne pas l’ensemble des acteurs du territoire d'Île-de-France (12 072 km2), mais seulement le Conseil régional (CR) qui agit comme acteur institutionnel dans son exercice de planification et d’aménagement du territoire.
L’A21 de la Région résulte d'un travail s'échelonnant sur plusieurs années. Il a été élaboré par le Conseil régional en complément au Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF). Ce schéma définit l'aménagement de la région pour les 25 ans à venir et fait le choix de la densité urbaine, des transports collectifs, de la protection des espaces agricoles et naturels ainsi que du rapprochement domicile-travail, répondant ainsi à des enjeux liés au DD.
Schéma directeur de l'Île-de-France
Le CR a adopté son Schéma directeur de la région Île-de France (SDRIF) :
L'adoption du SDRIF est l’aboutissement, depuis l’ouverture de la révision en 2004, de quatre années de travail menées par la Région : l’adoption d’une vision régionale (juin 2006), la mise en œuvre d’une concertation inédite avec toutes les forces vives de la région, l’arrêt du projet de SDRIF (février 2007), le recueil des avis des partenaires publics associés (juin-juillet 2007) et l’organisation d’une des plus importantes enquêtes publiques en France (novembre-décembre 2007).
Fort de l’important travail de concertation réalisé à cette occasion, fort aussi de la volonté politique d’être la première écorégion d’Europe, le CR a voulu se doter d’une démarche centrée sur l’institution régionale elle-même afin d'améliorer la prise en compte du DD dans la conception et la mise en œuvre de toutes ses interventions. La devise de cet Agenda 21 est la suivante : « Un Agenda 21 au service de l’écorégion ».
L'Agenda 21 Île-de-France se structure autour de trois objectifs:
- l'exemplarité de l'institution régionale ;
- l'intégration des objectifs de l'écorégion dans les politiques régionales et
- une gouvernance renouvelée.
La démarche choisie est basée sur une approche méthodologique mixte alliant un « plan d’action » à un « référentiel ». Elle s’inscrit dans un processus d’amélioration continue et d’un dispositif d’évaluation en appui à une gouvernance renouvelée.
État des lieux
L'Île-de-France est l'une des 21 régions de la France métropolitaine. Elle a en son centre la ville de Paris. L'histoire très centralisée du développement de l'État français de l'Île-de-France une capitale de rang mondial, la première région économique et financière de France, l'une des deux premières d'Europe avec Londres. C'est une région au climat tempéré, située au centre d'un bassin sédimentaire (bassin parisien) et au relief paisible. Son cadre climatique et géologique en fait également une région aux ressources agricoles abondantes. La région concentre près de 20% de la population française. C'est une région dont le cœur aggloméré est d'une très forte densité.
L'Île-de-France représente:
- 2 % du territoire national ;
- 18 % de la population ;
- 22 % des emplois ;
- 29 % du PIB national ;
- 38 % des employés cadres ;
- 45 % des emplois supérieurs et
- 15 % de l'énergie consommée.
Malgré la forte densité de l’agglomération urbaine centrale, l’Île-de-France est une région avec de vastes espaces agricoles et forestiers et des parcs naturels. Ses 1 207 243 hectares sont dédiés aux activités suivantes :
Source: IAU: Atlas des franciliens
- zones agricoles (52 %) ;
- forêts (23 %) ;
- milieux naturels (4 %) et
- divers autres usages (2,8 %).
Organisation du projet pour la mise en œuvre
Une démarche participative a été adoptée en coélaboration avec différents acteurs : personnel de la région, organismes associés et élus. Les travaux ont mobilisé plusieurs groupes de travail sur la base du volontariat et étaient axés sur trois thématiques principales.
- Groupe de travail sur l'exemplarité de l'institution : ce groupe s'est intéressé à l’exemplarité de l’institution régionale dans son fonctionnement interne, avec pour objectif de produire un programme d’actions donnant l’exemple de la Région comme citoyen responsable du DD.
- Groupe de travail sur l'intégration des objectifs de l'A21 dans les politiques régionales : ce groupe a travaillé, entre autres choses, sur un référentiel d'écorégion et son mode d'utilisation.
- Groupe de travail sur la définition d'une gouvernance renouvelée : ce troisième groupe a abordé les modalités d'une gouvernance renouvelée, les questions de sensibilisation, de participation, de formation et de suivi-évaluation.
Le pilotage de l'A21
La démarche retenue comprend trois niveaux de pilotage.
- Pilotage stratégique et politique. Le comité stratégique (CS) est une instance politique. Il représente l’exécutif du CR. Il est présidé par la vice-présidente en charge de la coordination de l’A21. Les membres sont des vices-présidents et des représentants des groupes de la majorité politique. Le CS prend les décisions lors de la phase de préparation de l’A21 et celles-ci sont soumises au vote au sein du CR. Le CS s’adjoint une Commission environnement (CE). La CE est élargie aux membres des autres commissions. La CE peut être réunie de manière facultative durant les phases intermédiaires des travaux et obligatoirement avant les séances de vote délibératif du CR.
- Pilotage décisionnel. Ce niveau de pilotage est assuré par le comité directeur (CD). Il est présidé par la directrice générale des services et s’assure d’une participation de l’ensemble des services régionaux à la démarche et organise le travail d’administration.
- Pilotage opérationnel. Au sein de chacun des services régionaux, des personnes référentes et des personnes ressources sont identifiées ainsi que des responsables des actions du plan stratégique (PS). Les personnes référentes ont pour mission de faire remonter les besoins et les propositions de leur service, de faire valider l’effectivité des propositions d’actions, de diffuser les informations et les documents et d’assurer la coordination opérationnelle avec les responsables des actions. Les personnes ressources apportent au sein des groupes de travail une motivation et une compétence particulière.
Programme d'action « Région exemplaire »
L’état des lieux a représenté un moment charnière dans la préparation de l’A21R. C’est à ce moment que s’est dessinée l’architecture globale de la démarche. Cet état des lieux n’était pas une description exhaustive des pratiques de la région. Ses objectifs étaient plutôt 1) de relever les spécificités du fonctionnement organisationnel, 2) d'exposer les pratiques considérées comme exemplaires, 3) d'identifier les marges de progression et 4) de tracer les perspectives pour y parvenir. Enfin, il a fait l’objet d’une communication devant l’Assemblée régionale. L'état des lieux a été largement diffusé auprès des agents, des partenaires et des collectivités territoriales.
Réflexion sur l'état des lieux
L’état des lieux a permis d'organiser la réflexion selon 5 axes stratégiques, 10 objectifs et 48 orientations régionales pour atteindre des résultats dans le but d'être une écorégion. Trois groupes techniques (GT) complémentaires ont soutenu la démarche.
- GT 1 : sensibilisation au DD, formation et communication auprès du personnel et des élus.
- GT 2 : aménagement et construction durable afin de décliner le référentiel général pour les actions de construction et d’aménagement.
- GT 3 : suivi-évaluation et identification des indicateurs.
Plan d'action « Région exemplaire » en fonction des axes stratégiques et des objectifs
Axes stratégiques | Objectifs de l'écorégion |
1. Gouvernance | 1. Aller vers plus de concertation et favoriser la gestion de proximité 2. Promouvoir les échanges sur les principes et les pratiques de l'écorégion, y compris à travers les actions de coopération européenne et internationale |
2. Responsabilité sociale | 3. Réduire les inégalités sociales et territoriales et promouvoir un développement solidaire |
3. Responsabilité environnementale | 4. Améliorer la qualité de vie des franciliens 5. Réduire les pollutions, nuisances et risques en privilégiant les politiques de prévention 6. Préserver la biodiversité, réduire les atteintes aux écosystèmes et favoriser les conditions assurant leur bon fonctionnement 7. Réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au changement climatique |
4. Responsabilité économique | 8. Créer un cadre favorable à un développement écoresponsable 9. Favoriser les modes de développement créateurs d'emploi local,économes en énergie et ressources naturelles et les éco-activités |
5. Transversalité à travers la dimension territoriale du DD | 10. Promouvoir un aménagement durable du territoire, économe en énergie, ressources naturelles et espace |
Référentiel de l'écorégion et son vadémécum
L’état des lieux présente une analyse détaillée des pratiques internes du CR en termes de commandes publiques, de politiques sociales, de transports et de gestion des flux ainsi que de propriétés régionales. Plus de 30 délibérations antérieures ont été examinées afin d'identifier les bonnes pratiques, les faiblesses et les marges de progression. Aussi, en matière de gouvernance, les pratiques de sensibilisation et d’information, les approches transversales de concertation, de consultation et d'évaluation, ont été analysées. Comment fonctionne le référentiel de l’A21R d'Ile de France ?
Le référentiel
La logique du référentiel est basée sur des questions-réponses. L'A21 d'Île-de-France a défini dix objectifs regroupés sous 5 axes stratégiques de DD (voir tableau précédent) qui se divisent en entrées thématiques donnant lieu à 48 orientations régionales. Ce travail a permis d’aboutir à la production d'une série de questions relatives à chacune des orientations du référentiel.
C'est en apportant une réponse à ces questions, que les rédacteurs d'une délibération de la Région permettront de s'assurer que les 48 orientations régionales ont bien été prises en compte dans la délibération avant de la soumettre au vote des élus. Le référentiel est donc un outil au service de l'exécutif du CR changer partout sauf au début dans les consignes de travail qu'il donne à l'administration. C’est aussi une aide méthodologique pour l'élaboration des délibérations afin de prendre en compte les objectifs de DD. Enfin, il permet aux élus de vérifier l'écocompatibilité de la délibération qui leur est soumise.
Il aide également à identifier les services concernés et donc à assurer la transversalité du projet. Ainsi, le référentiel incite le service à l’origine du projet à solliciter l’ensemble des services concernés, mais aussi les partenaires et élus afin de promouvoir la coélaboration. Il permet d’introduire dans une délibération la prise en compte de plusieurs secteurs d’interventions et de coordonner les actions.
Le référentiel n’est pas hiérarchisé. Selon le projet de délibération et son orientation principale, certains objectifs seront naturellement mis en avant et davantage approfondis. Le référentiel sera utilisé pour prévenir l’oubli de certains objectifs de DD. Si sa totalité doit être déroulée lors de l’élaboration, il n’est pas obligatoire qu’il soit appliqué dans son intégralité. En effet, selon le sujet de la délibération, certaines entrées thématiques et orientations peuvent ne pas être pertinentes. Il convient alors de les expliciter.
Le vadémécum
Le vadémécum comprend :
- les listes des délibérations par thème du Conseil régional ;
- la sélection de guides de bonnes pratiques pertinentes ;
- des archives et références d'opérations pilotes ;
- les listes des organismes ressources associés à l’utilisation du référentiel, en amont d’une délibération, et permettant de prendre en compte les objectifs de l’écorégion dès le projet de rédaction.
Exemples de questions du référentiel sur les orientations régionales.
Indicateurs de développement durable
Les indicateurs de DD sont répartis sur les cinq axes stratégiques du plan d'action dont deux sont actuellement développés : l’axe responsabilité sociale et l’axe responsabilité environnementale. Les indicateurs toucheront par la suite les axes de gouvernance et de transversalité.
Axe responsabilité sociale
- Indicateur de développement humain alternatif (IDH-2)
L'indicateur de développement humain est un indicateur synthétique élaboré par les experts du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Il intègre trois dimensions : le niveau de vie (PIB/habitant), le niveau d’instruction (taux d’alphabétisation des adultes et taux de scolarisation) et l'état de santé de la population (espérance de vie à la naissance). Pour tenir compte du niveau de développement humain et de sa répartition inéquitable, l’IDH a été enrichi en IDH-2 avec des données plus pertinentes et disponibles à l’échelle communale.
- Indicateur de santé sociale régionale (ISSR)
L’ISSR est l’aboutissement de la démarche visant à élaborer, pour le domaine social, l’équivalent de ce que le PIB offre pour le domaine économique, c'est-à-dire un indicateur d’une lisibilité comparable, utilisable au niveau régional.
Axe responsabilité environnementale
- Empreinte écologique des habitants d’Île-de-France. L'empreinte écologique de la population d’Île-de-France est de 5,58 hectares par an et par habitant (données 2004), soit une moyenne plus élevée que la moyenne française (5,20 à 5,26 ha/habitant en 2004). Elle sera régulièrement réévaluée.
- Bilan carbone du territoire régional. Le Bilan Carbone® a la particularité d’évaluer, non seulement les gaz à effet de serre émis sur le territoire francilien, mais aussi tous ceux dont la Région est responsable.
- Indice de qualité de vie et de bien-être (IQVB). Il est en cours de validation (2010). Il permettra de caractériser la qualité globale de l'écosystème régional, de suivre les changements et d'identifier des leviers d'action et d'avoir une vision transversale du développement en Île-de-France.
Leçons apprises
Leçon 1 : l'élaboration d'un Agenda 21 est un long processus.
L'élaboration d'un Agenda 21 organisationnel est un processus de longue haleine. Tous ceux que j'ai suivis, comme celui du CR d'Île-de-France que j'ai piloté, ont exigé aux environs de trois ans d’efforts. Il faut éviter un double écueil. Le premier, celui de la précipitation, risquerait de délaisser un bon nombre d'acteurs et qui abouterait à un A21 peu partagé et donc peut performant dans sa mise en œuvre. Le deuxième écueil est celui d'un excessif perfectionnisme et il risquerait de décourager les participants.
Ce processus nécessite qu'en phase de lancement de la démarche, des opérations concrètes soient initiées. Cette période de temps peut aussi être mise à profit en évaluant des études qui viennent enrichir le débat et les décisions. C'est ce qu'a fait l'Ile-de-France en établissant son empreinte écologique et son bilan carbone, ou en menant des travaux sur des indicateurs de DD appliqués aux objectifs et orientations de l’A21.
Ce laps de temps nécessite un calendrier rigoureux notamment parce que, quelque soit le temps alloué, un certain nombre d'acteurs ont tendance à attendre le dernier moment, voire la dernière heure pour répondre aux questions et faire part de leurs propositions.
Leçon 2 : la démarche d'état des lieux est essentielle.
Elle a permis de mettre sur papier et d'argumenter ce que nous savions plus ou moins intuitivement : d'une part, de nombreux changements avaient déjà été engagés, mais il restait encore beaucoup à faire et, d'autre part, il y avait des lacunes au niveau de la transversalité.
Cela a permis de constater que beaucoup d'agents du CR étaient déjà fortement sensibilisés et déterminés à faire progresser la démarche engagée. L’état des lieux, en valorisant les bonnes pratiques, a donné une image positive de la démarche A21. Il révèle néanmoins certaines faiblesses dans les services (et les responsables politiques) les moins engagés. Cette situation peut être délicate à gérer ; elle ne peut pas être occultée, mais ne doit pas donner lieu pour autant à une stigmatisation des services ou responsables, ce qui pourrait aboutir à un blocage. Enfin, l'état des lieux a permis d'engager l'ensemble du processus en douceur, et de repérer les éléments mobilisateurs dans les services.
Leçon 3 : les groupes de travail ont donné lieu à des échanges inédits.
Les groupes de travail avec les agents de différents services ont révélé une connaissance insuffisante que les uns et les autres avaient de leur travail respectif et la nécessité de développer des orientations et des outils communs. La mixité des réunions (élus, agents, experts, etc.) a été un enrichissement pour la compréhension collective des objectifs et des contraintes des uns et des autres. Cette mixité est toutefois rare au sein du fonctionnement français. Il faut bien reconnaître que la participation des élus a été un peu décevante et erratique.
Leçon 4 : contrainte et lourdeur supplémentaires ou, au contraire, soutien pour le travail des services ?
L'A21 sera-t-il ressenti comme une charge de travail supplémentaire et une contrainte ? Pour certains, notamment en ce qui concerne l'exigence de répondre aux questions du référentiel, il s'agissait d'une lourdeur. Mais d'autres agents ont dit, qu'au contraire, ce référentiel allait leur permettre de renforcer l'efficacité de leur travail. Le temps qu'ils passaient à se demander qu'elles étaient les questions qu'ils devaient se poser sera désormais abrégé. En effet, l'existence du référentiel et du vadémécum associés leur permettront de trouver rapidement des réponses et des compétences.
Leçon 5 : une opportunité pour la valorisation du travail.
Pour ceux qui auront participé à la démarche de l'A21, la mise en œuvre de celui-ci devrait offrir un nouvel enrichissement pour la qualité du travail et un accroissement de la satisfaction professionnelle. Ce sont là des bienfaits du DD qui sont trop souvent minimisés.
Comment citer ce texte ?
VAMPOUILLE, M. (2010). « L'Agenda 21 institutionnel de la région Île-de-France ». Dans GAGNON, C. (Éd). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux, [En ligne] http://demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/21687_fr.html (page consultée le jour mois année).
Pour aller plus loin...
Le Conseil régional de l'Île-de-France
L'Agenda 21 du Conseil régional
Le référentiel développement durable de la région
Un «guide pratique» de mise de mise en œuvre des Agendas 21 locaux, à partir des retours d'expérience, réalisé par le Réseau (français) des Agences Régionales de l'Environnement
La stratégie nationale de développement durable
Dernière modification: 8 octobre 2013