La construction d’un partenariat

 

Les rôles de la communication et de l’information dans l'organisation territoriale

Résumé
La communication participative s’avère un excellent outil pour susciter la participation de la population à la démarche de l’Agenda 21e siècle local (A21L). Elle permet d’instaurer un dialogue entre les participants menant à l’expression de solutions à des problèmes de développement durable (DD). Il faut cependant considérer les employés municipaux de tous les niveaux comme une clientèle cible et les impliquer dès le début de la démarche. Pour rejoindre les clientèles, il faut doser les actions du plan de communication entre l’information et la communication (bi)multidirectionnelle, et ce à chacune des étapes de la démarche.

L’idée d’atteindre un développement plus durable et plus viable est un phénomène mondial, un processus global de changement social dont les sociétés sont responsables. Pour relever le défi de l’application du développement durable (DD), à l’échelle d’un territoire habité, la construction d’un partenariat avec la communauté s’impose. L’Agenda 21e siècle local (A21L) se veut un excellent outil pour construire ce partenariat puisqu’il favorise l’utilisation du modèle de développement dit endogène, où la communication sert de catalyseur pour animer le potentiel de changement à l'intérieur de la collectivité et faciliter la participation de tous ses acteurs, de la société civile en général.

Quelle évolution dans les modèles de développement au Québec ?

Le Québec a suivi l’évolution de la recherche en matière de développement qui s'est faite selon deux grands paradigmes : le développement par le haut ou centralisé, le développement endogène ou par le bas ou décentralisé. D’abord, à partir des années 1950 jusqu’à la fin des années 1960, les interventions nationales de l’État visaient à amoindrir les disparités régionales du Québec, notamment par des programmes de planification du développement régional.

Cette période correspond au « paradigme dominant » qui associe le développement à la modernisation des structures socio-économiques et sociopolitiques d’un pays, celui-ci étant mesurable par la croissance du produit intérieur brut (PIB). Le développement était alors présenté comme un processus linéaire comprenant des étapes prédéterminées. Pour diffuser la modernité dans une société, on croyait alors qu’il s’agissait d’utiliser les médias de masse.

Puis, vers le milieu des années 1970, le gouvernement québécois prend un virage pour que ses politiques de développement correspondent davantage aux réalités locales. Il fait la promotion des initiatives locales et d’un développement endogène, par le bas ou ascendant (Proulx, 1996). Cette période correspond au « paradigme d’un autre développement » ou « paradigme du développement participatif » qui met l’accent sur le caractère endogène du développement, c’est-à-dire fondé sur le potentiel de la communauté et de son territoire d’appartenance.

Les notions de culture, d’identité régionale, de qualité de vie, de distribution équitable, etc. font désormais partie du discours et des politiques publiques de développement des régions du Québec. Le développement ne concerne plus seulement les questions économiques et matérielles. Les médias sont alors utilisés pour animer le potentiel de changement des sociétés selon un modèle favorisant les échanges horizontaux et le dialogue.

L’idée du rôle de la communication pour le développement a lui aussi changé. Dans les premiers modèles de développement par le haut, les médias de masse étaient utilisés pour transmettre la technologie nécessaire à l'accroissement de la productivité. Dans le second modèle par le bas, la communication sert à animer le potentiel de changement d'une communauté et à instaurer un dialogue entre les acteurs, entre les différentes problématiques de développement, entre les échelles de territoire.

La communication : un outil pour construire un partenariat ?

Dans le modèle de développement endogène, la communication sert à créer un dialogue dans lequel l’accent est mis sur la signification et non sur l'abondance d’information. Dans ce modèle, il est nécessaire d’établir des échanges et des partages d'information horizontaux basés sur la confiance mutuelle (Melkote, dans Mody, 2003 : 136). Cette fonction de communication est assumée par la réalisation en soi du plan d’action A21L, mais, dans la pratique, qui se préoccupe et s’occupe de cette fonction ?

Dans le cas où une municipalité désigne un chargé de projet, celui-ci :

  • identifie les groupes cibles, les interlocuteurs, les leaders naturels et leurs canaux de communication ;
  • anime les processus de participation, de consultation et de prise de décisions communautaires ;
  • renforce l'action des agents de changement comme les leaders naturels et influence le développement de politiques dans le but de résoudre les problèmes identifiés.

Les médias communautaires, opérant dans les réseaux et les approches de communication à la base, favorisent des échanges « horizontaux » entre les personnes, plutôt qu'une transmission « verticale » de la part d'un expert à des récepteurs. Les médias communautaires sont des canaux qui rejoignent directement la population locale.

D'autres canaux permettent de rejoindre les clientèles de base :

  • la tenue de lignes ouvertes ;
  • la présentation du projet à des groupes communautaires cibles, des associations de quartiers ou des groupes d’intérêt ;
  • la distribution d’affiches, de dépliants ou de lettres circulaires dans les boîtes aux lettres ;
  • la rédaction d’articles dans des bulletins communautaires ;
  • etc.

Dans le cas de Baie-Saint-Paul (Québec), lors du partage du diagnostic et de la dernière consultation publique, les membres du comité A21 (ou comité de parrainage) ont été invités à joindre directement les personnes de leur réseau d’influence pour leur demander de participer. Des chaînes de courriels ont été crées de même que des chaînes téléphoniques en plus des invitations envoyées par la poste et des espaces publicitaires achetés dans les médias locaux.

Une importance particulière est accordée aux modes de communication interpersonnelle qui sont reconnus comme les plus efficaces. Dans l’A21L, l’étape du partage de l'état des lieux (ou diagnostic) est cruciale et permet d’échanger directement avec les citoyens. Il en est de même pour la dernière consultation au cours de laquelle le plan d’action est présenté et discuté.

L’utilisation de ces modes de communication doit faire partie du plan de communication qui marie information et communication, comme on le verra dans le point suivant.

L'implication de citoyens dans la ville de Seattle

© Vivre en ville

Le plan de communication d’un Agenda 21e siècle local : information ou communication ?

Comme dans tout plan de communication, il faut d’abord définir les clientèles cibles et les stratégies de communication, les outils de communication pour les rejoindre et cela à chacune des étapes de l’état d’avancement de la démarche.

De plus, il faut établir des partenariats avec la presse locale, les organismes communautaires, les personnes ressources du milieu et les impliquer dès le début de la démarche de l’A21L (Alexandre et Besette, 2000). Cette démarche vise à rejoindre l’ensemble des acteurs de la communauté, mais le citoyen demeure la cible principale.

Parmi les différents acteurs d’une collectivité, on retrouve généralement :

  • les acteurs sociocommunautaires (regroupements de femmes, de jeunes, d’aînés, etc.) ;
  • les acteurs économiques (entreprises, commerçants, artistes et artisans, agriculteur etc.) ;
  • les partenaires institutionnels (écoles, institutions financières, institutions gouvernementales incluant les élus, etc.).

Dans le cas de Baie-Saint-Paul (Québec), le journal municipal rejoint aussi les employés municipaux qui le reçoivent avant qu’il soit distribué à la population. L’élaboration du diagnostic a été conçu avec les cadres municipaux qui devaient informer les employés de leur service.

Pour maximiser les retombées de la communication selon les étapes (voir point suivant), il s’avère très efficace de cibler les regroupements qui servent de courroie de transmission et qui peuvent diffuser l’information dans leur réseau d’influence respectif, par exemple : maison des jeunes, comité d’action culturelle, organismes sociocommunautaires, regroupements d'entrepreneurs, chambre de commerce, associations de quartiers, écoles, etc. Il est aussi important d’informer et de travailler avec les employés municipaux pour les impliquer dès le début de la démarche.

Comment s’est articulé le plan de communication de l’Agenda 21e siècle local de Baie-Saint-Paul ?

Tout au long du cheminement en vue du plan d’action A21L, l’information et la communication se sont côtoyées.

La première action de communication consistait à informer la population que la Ville et son comité de suivi du sommet économique s’engageaient dans une démarche d’A21L. Nous avons donc privilégié une forme de communication plus traditionnelle, soit la publication d’un article dans le journal municipal. Dans cet article, on présentait les membres du comité de l’A21L constitué d’élus, de fonctionnaires municipaux et de représentants des secteurs économique, environnemental et social. Les journalistes ont été invités à faire partie du comité de l’A21L, mais ils ont décliné l’invitation pour conserver leur indépendance face à la couverture médiatique de la démarche.

Puis, nous avons présenté la démarche de l’A21L auprès des groupes économiques et communautaires qui en ont fait la demande. Il s’agissait de séances d’information, suivies de périodes de questions.

À l’étape du partage de l'état des lieux, des assemblées publiques ont été organisées, invitant la population à s’inscrire à l’une ou l’autre des six assemblées sectorielles, afin de former des groupes homogènes. Pour informer la population de la tenue des assemblées, les actions suivantes ont été privilégiées :

  • des affiches dans les lieux publics et dans les locaux des organismes sociocommunautaires ;
  • une lettre d’invitation circulaire à dans tous les commerces et résidences situés sur le territoire de la ville ;
  • des communiqués de presse aux médias ;
  • une chaîne de courriels pour rejoindre les personnes clés faisant partie des réseaux d’influence des membres du comité de l’A21L ;
  • des espaces achetés dans le journal local pour publiciser la tenue des assemblées et inviter la population à s’inscrire à l’une ou l’autre des assemblées d’information et de consultation.

Le but de ces assemblées consistait à créer un véritable dialogue basé sur des échanges horizontaux entre les participants. L’idée était d’arriver à élaborer des pistes de solution aux problèmes soulevés dans l’état des lieux, pistes qui proviennent de la population locale et non d’un expert.

À l’étape de la rédaction du plan d’action, des rencontres de travail avec les cadres municipaux, puis les membres du comité A21 ont été l’occasion d’échanges qui ont contribué à enrichir le document.

Finalement, le projet de plan d’action a été publié dans le journal municipal. Par la même occasion, la population était invitée à participer à une présentation publique suivie d’une période d’échanges. Des annonces dans les journaux et des communiqués de presse ont aussi été diffusés.

Après avoir ajusté le plan d’action de l’A21L en fonction des commentaires recueillis lors de la consultation, le Conseil de ville l’a adopté par voie de résolution. Un document officiel présentant l’A21L a été distribué dans l’ensemble des résidences et commerces du territoire, aux instances gouvernementales du Québec et aux partenaires.

Enfin, des forums seront organisés tous les ans afin de présenter l’état d’avancement des actions planifiées à l’A21L, pour garder le dialogue ouvert avec la population locale et s’ajuster en fonction des nouvelles réalités.

Quelles leçons ? Quelles difficultés ?

La participation citoyenne a été très satisfaisante dans la démarche de l’A21L de Baie-Saint-Paul. Elle a contribué à diminuer les différences entre la vision citoyenne et celle des dirigeants économiques de la collectivité. Une plus grande participation aurait pu être enregistrée si des présentations informatives systématiques à des regroupements ciblés avaient été organisées. Ici la notion de temps entre en ligne de compte, c’est-à-dire que la Ville et son comité s’étaient donnés un échéancier d’un an. Rappelons que la réalisation d’une politique de DD était un projet qui émanait du sommet économique de 2003. La démarche de suivi du Sommet était amorcée depuis 2004 et, pour maintenir l’intérêt tant auprès des membres du comité qu’auprès de la population, un délai d’un an a été fixé.

Par ailleurs, il importe d’instaurer des mécanismes participatifs qui impliquent non seulement les cadres municipaux dans l’élaboration de l’A21L, mais aussi les employés de tous les niveaux et services de l’appareil municipal. On prend souvent pour acquis que les cadres servent de courroie de transmission en informant les employés municipaux. Mais cela n’est pas automatique ! De même, on a tendance à croire que les employés municipaux, à qui on a pris soin de transmettre l’information prioritairement, participeront spontanément puisqu’ils sont directement concernés. Il faut donc travailler à l’élaboration de mécanismes internes de communication participative dès le début de la démarche pour faciliter l’adhésion des employés et le déploiement du plan d’action de l’A21L.

Les employés municipaux doivent s’approprier l’A21L puisqu’ils adaptereront leurs pratiques au regard du DD. Ils seront perçus comme des exemples dans la collectivité, ce qui encouragera la population et les acteurs du développement local à adhérer aux principes du DD. L’implication des employés municipaux mobilisera les énergies au sein de leurs services dans une perspective d'amélioration des services publics locaux. Elle permettra d’optimiser les projets publics en faisant travailler ensemble les services pour combiner les expertises et développer une réflexion transversale quant à la mise sur pied de projets locaux.

Que retenir du rôle de la communication et de l’information dans l’organisation territoriale ?

Plusieurs actions permettront de suciter la participation de tous, à tous les niveaux :

  • poursuivre les communications pour maintenir l’intérêt des employés municipaux, des élus et de la population quant au projet commun de l’A21L;
  • tenir des sessions internes d’information, par service ou département, dans le but de susciter des échanges concernant les actions planifiées;
  • organiser une campagne de sensibilisation au DD;
  • transmettre les indicateurs de mesure.
Comment citer ce texte ?TREMBLAY, L-A. (2007). « La construction d’un partenariat avec la communauté. Les rôles de la communication et de l’information, l’exemple de Baie-Saint-Paul (Québec, Canada) ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9570_fr.html (page consultée le jour mois année).

En complément

L'élaboration d'un plan d’action A21L
La structure de travail d’un A21L
La mobilisation des ressources et la concertation dans une communauté
Les définitions de l'A21L
Les facteurs de réussite d'un A21L
L'état des lieux du territoire pertinent à l'action
L'A21L Baie-Saint-Paul

Pour aller plus loin...

ALEXANDRE, L. et G.BESSETTE (dir). (2000). L’appui au développement communautaire, une expérience de communication en Afrique de l’Ouest, Centre de recherches pour le développement international (CRDI), Ottawa, 215 p.

BESSETTE, G. (2004). Communication et participation communautaire. Guide pratique de communication participative pour le développement, Centre de recherches pour le développement international (CRDI), les Presses de l’Université Laval, Sainte-Foy, 156 p.

MODY, B. (2003). International and development communication: a 21st century perspective, Thousand Oaks, Sage publications, 304 p.

PROULX, M-U. (dir) (1996). Le phénomène régional au Québec, Presses de l’Université du Québec, Québec, 334 p.

Dernière modification: 18 février 2015