Se donner une vision commune de notre avenir
Une vision stratégique annonce les intentions d’une communauté quant à ce qu’elle entend accomplir à travers la démarche d’Agenda 21e siècle local (A21L) . Sa rédaction permet de développer une compréhension commune de ce qu’est le développement durable (DD) à l’échelle de la collectivité territoriale. Afin d’être cohérent avec les principes mêmes du DD, une vision stratégique se fait de façon participative au sein d’une communauté. La participation du plus grand nombre de citoyens permet la construction d’une vision stratégique riche et bien ancrée dans la réalité locale.
Qu’est-ce qu’une vision stratégique ?
« Une vision stratégique est une représentation du futur souhaité, à la fois rationnelle et intuitive, englobante et prospective » (Caron et Martel, 2005 :6)
Elle est le fruit d’une réflexion collective menée par l’ensemble des composantes de la communauté (groupes sociaux, groupes d’âge, etc.).
Une vision stratégique annonce les intentions d’une communauté quant à ce qu’elle entend accomplir à travers la démarche d’Agenda 21e siècle local (A21L). C’est une sorte d’idéal à atteindre, de désirabilité du futur. Une telle vision met en évidence les principes et les stratégies qui sous-tendront les actions par la suite. Cet énoncé peut prendre la forme d’un texte ou d’une figure (ou les deux).
Le développement d’une vision stratégique est essentiel à toute démarche de développement territorial, tel l’A21L. Ce type d’exercice est par ailleurs très souvent utilisé par le Réseau québécois des Villes et Villages en santé (RQVVS) pour définir sa vision d’une communauté durable et en santé.
À quoi sert-elle ?
La rédaction d’une vision stratégique d’A21L permet à un groupe de travail ou à une collectivité de se doter d’une compréhension commune de ce qu’est le développement durable (DD) à l’échelle d’une communauté territoriale. Il s’agit en quelque sorte de s’approprier les concepts, les valeurs et les stratégies du DD et de les adapter au contexte territorial pertinent (quartier, localité, municipalité, regroupement de municipalités, organisation, microrégion dont MRC, région, bassin versant, etc.) où il doit être implanté. À partir du document produit au départ, soit l’état des lieux du territoire concerné, la vision stratégique pose les fondements, les principes qui serviront à l’élaboration future d’autres exercices de planification.
Qui fait une vision stratégique ?
Afin d’être cohérent avec les principes mêmes du DD, une vision stratégique se fait de façon participative au sein d’une communauté. La participation du plus grand nombre de citoyens et de citoyennes permet la construction d’une vision stratégique riche et bien ancrée dans la réalité locale. Cette façon de fonctionner permet également que les citoyens et les citoyennes se sentent partie prenante de la vision commune. Ils contribuent plus activement à la réalisation des actions qui en découleront. Ils sont partie intégrante de la solution.
Selon le contexte particulier à chaque milieu, la construction de cette vision se réalise par étape : là, elle cherche à rejoindre les groupes représentatifs de la population du territoire concernée, selon des stratégies spécifiques et appropriées.
La démarche de construction d’une vision stratégique inclut également les principaux partenaires territoriaux (éducation, santé et services sociaux, emploi, socio-économique, développement local) de manière à prendre en compte l’ensemble des dimensions du DD (sociales, économiques et environnementales). L’objectif de l’inclusion des acteurs territoriaux et sectoriels est d’arriver à échanger et adopter une vision transversale du développement et de l’avenir du territoire et de la communauté. Ceci constitue un défi central de la démarche de développement durable viable (DDV).
Comment faire une vision stratégique ?
Dans la MRC du Témiscamingue (Québec), le RQVVS a tenu en 2004 des États généraux. Cet exercice visait à dégager une vision de l’avenir, dans un objectif de réalisation d’un plan stratégique. Pour préparer ces États généraux, des portraits de chacune des municipalités et de chacun des secteurs d’activités ont été confectionnés. Des rencontres ont ensuite permis de valider ces portraits et d’identifier des propositions concrètes pour l’avenir. Lors des États généraux, les propositions de chaque secteurs ont été débattues en atelier puis en plénière. Par la suite, une équipe a été nommée pour traduire ces propositions dans un plan stratégique.
On peut s’y prendre de multiples façons pour amener un groupe ou une communauté à se doter d’une vision stratégique. Selon la dimension et le type de territoire choisi et pertinent, de même que selon la taille de la collectivité, différents scénarios peuvent être envisagés.
Cependant, dans tous les cas, il importe de commencer la réflexion par un rappel sur les principes fondamentaux qui sous-tendent le DD, c’est-à-dire un développement qui vise l’harmonie entre l’économie, l’environnement et le social sans compromettre le potentiel de développement des générations futures. Il faut également rappeler que le DD doit être pensé et réalisé par l’ensemble des acteurs et groupes sociaux concernées sur le territoire désigné, et ce, dans une perspective de participation citoyenne.
Une vision stratégique ne se construit pas en un jour : elle fait l’objet de plusieurs rencontres et, souhaitablement, d’un débat, où des valeurs et des intérêts contradictoires peuvent s’affronter, se discuter ouvertement, et ainsi être bâtie graduellement et de façon consensuelle.
Deux exemples de méthodes d’élaboration d’une vision stratégique
Méthode 1 : la théorie de l’action
La ville de Senneterre en Abitibi-Témiscamingue (Québec) ayant décidé de s’engager dans une démarche de Villes et Villages en santé, avait besoin d’un moment de réflexion pour mieux définir cette nouvelle orientation. Le comité Senneterre-en-santé a donc réalisé, en collaboration avec la Direction de la santé publique, un exercice de théorie de l’action qui leur a permis d’identifier trois visées et les étapes nécessaires pour les atteindre :
- favoriser et développer la participation citoyenne et la participation entre les partenaires du milieu ;
- offrir un milieu physique et social stimulant qui favorise l’amélioration de la qualité de vie ;
- offrir un cadre de vie favorisant l’intégration des nouveaux arrivants.
Pour mener une activité systématique, la théorie de l’action s’avère une démarche appropriée. Ce type d’exercice amène un groupe ou une communauté à identifier les visées qui sous-tendent leur démarche et à définir les étapes qui permettent de les atteindre. Ces dernières constituent en fait le chemin que l’on pense devoir prendre pour atteindre une visée ; l’ensemble des chemins constituant l’essence de la théorie de l’action.
Les visées de la démarche
Cette étape vise à établir les principales visées de la démarche. Il ne s’agit pas ici de formuler des objectifs liés à des actions concrètes, mais plutôt de préciser la conception globale de ce que le groupe veut accomplir à travers sa démarche collective de réflexion et d’échanges. Cette partie de l’exercice permet d’identifier quelques grandes visées ou orientations communes au groupe.
Les étapes pour y arriver
À partir des visées définies à la première étape, il s’agit de préciser comment le groupe pense y arriver, c’est-à-dire les moyens envisagés et les étapes par lesquelles le groupe pense devoir passer avant d’arriver là où il veut aller. Cette étape amène la construction de la théorie de l’action du groupe.
La validation de la théorie de l’action
À partir des éléments définis au cours des deux étapes précédentes, il est souhaitable de construire un modèle graphique de la vision commune du groupe. Cette troisième étape doit permettre de dire si ce modèle convient au groupe de discussion et d’y apporter les ajustements nécessaires. La définition d’une théorie de l’action devrait être terminée après cette étape. Cependant, « terminée » ne signifie pas nécessairement « définitive ». En effet, au cours de la démarche, plusieurs facteurs (contexte politique, changement de partenaires) peuvent venir modifier la donne et réorienter la définition du problème ou de l’action. Il est donc pertinent, de revalider la théorie de l’action et, peut-être, de la modifier si de nouveaux acteurs ou éléments contextuels surviennent en cours de route.
Méthode 2 : la fantaisie guidée
Dans le cadre de sa démarche A21L, la Ville de Baie-Saint-Paul (Québec) a eu recours à la fantaisie guidée dans l’élaboration de sa vision d’avenir avec la population et les acteurs du milieu. Chacune des six consultations publiques sectorielles a débuté par cette méthode d’animation. La fantaisie guidée a servi d’entrée en matière en instaurant un climat d’ouverture, laissant place à l’imagination et à l’expression libre des désirs les plus ludiques quant à une vision de Baie-Saint-Paul, ville rêvée.
On peut aussi procéder par une démarche plus ludique grâce à la fantaisie guidée. Cette fantaisie guidée est une formule très utilisée dans le montage des projets de Villes et Villages en santé au Québec. C'est une sorte de voyage organisé dans le monde de l'imaginaire qui permet de découvrir les composantes de ce que serait le quartier, la ville ou le territoire souhaité par la population.
Pour identifier des moyens d'action appropriés à la réalité locale, en regard de ce que l'on souhaite atteindre comme objectifs et non pas uniquement en fonction de ce qui est identifié dans un premier temps comme des objectifs réalistes. Les limites et les censures sont abolies. C’est le principe du remue-méninges. Il y a ainsi création d'une banque d'idées sur des moyens qui peuvent être originaux et réalisables.
Cette méthode, selon les utilisations faites à ce jour (Rouyn-Noranda, Baie-Saint-Paul, Senneterre) encourage la participation de toute la communauté (écoles, groupes communautaires, communautés culturelles, gestionnaires des différents paliers gouvernementaux, etc.) et permet une large discussion et implication de la part des acteurs territoriaux concernés par la qualité de vie dans les villes et les quartiers.
Une fantaisie guidée se déroule en trois temps :
1. La fantaisie guidée : description de la situation idéale
- La lecture et l'expression des idées ;
- la cueillette des idées ;
- la classification des idées.
2. Identification des moyens à développer
Cette étape consiste à identifier les moyens à prendre pour réaliser les idées ressorties et ainsi atteindre l'objectif d'un territoire en santé. Il est important, lors de l’opération du pairage avec les moyens, qu'il y ait un accord dans le groupe. Tenir compte d'un seul moyen peut sembler irréaliste, mais lorsqu’il est associé à d'autres, il peut prendre un sens nouveau.
3. La synthèse de l'atelier
- Transmettre les résultats de l’atelier de vision stratégique au groupe responsable de la réalisation du portrait ;
- profiter de cette rencontre pour demander aux gens ce qu'ils sont prêts à faire pour avoir une ville ou un quartier en santé et pour favoriser les liens entre les différents participants.
La boîte à outils du Réseau québécois des villes et village en santé (RQVVS)
Que retenir ?
Pour qu’un exercice de vision stratégique soit une réussite, l’expérience démontre :
- qu’il est important d’installer, dès le démarrage d’un exercice de vision stratégique, un climat d’ouverture et de respect ;
- qu’il est par ailleurs essentiel de recourir à des techniques d’animation originales (théâtres, cafés, etc.) permettant à tous de s’exprimer, notamment les personnes peu habituées à prendre la parole ;
- que les citoyens n’aiment pas participer à des exercices inutiles ; ils veulent que leur vision stratégique serve de fondement à d’autres étapes de planification (plan stratégique, plan d’urbanisme, politique familiale, plans d’action divers, etc.), de façon à assurer une cohérence aux autres actions menées dans le milieu.
Les auteures remercient Nadine Maltais (RQVVS) pour sa collaboration
Comment citer ce texte ?
SIMARD, P., et C., GAGNON (2007) « La vision stratégique. Se donner une vision commune de notre avenir ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9577_fr.html (page consultée le jour mois année).
En complément
Passez à l'action !
Les acteurs de l’A21L
L'atelier de vision stratégique (fantaisie guidée)
Comment développer une théorie de l'action pour une démarche communautaire ?
Pour aller plus loin...
CARON, A et R.P MARTEL.(2005). La vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social. Québec, Ministère des Affaires municipales et des régions (MAMR), 38 p.
HANCOCK., T. (1988). Healthy Toronto 2000: a vision of a Healthy City. WHO Healthy Cities Project, Concepts and Visions.
LACHANCE, R., et MORISSET, M. (2004). L’obsession du citoyen. Vade-mecum pour des Villes et Villages où il faut bon vivre. Québec, Réseau québécois des Villes et Villages en santé.
Dernière modification: 19 février 2014