Identifier les acteurs selon les temps de la démarche
L’Agenda 21e siècle local (A21L) concerne le devenir souhaité d’un territoire, d’une communauté. À ce titre, chaque individu habitant un territoire, peut devenir un acteur actif et/ou un écocitoyen à l’échelle de son quotidien. Tous les types d’acteurs sont interpellés dans l’élaboration du projet de territoire.
La genèse des Agenda 21e siècle locaux québécois (2004-2006) permet d’observer 8 types d’acteurs déclinés selon l’ordre chronologique des grands temps de son élaboration. Ils jouent des rôles différents et complémentaires selon les 3 grands temps ou phases de l’A21L.
1. Élaboration et dépôt du plan d’action A21L (de 12 à 24 mois) :
- les initiateurs ;
- les élus (municipaux, microrégionaux, régionaux) ;
- le comité A21, désigné aussi sous les vocables parrainage, pilotage, porteur.
2. L’équipe de soutien (experts, consultants, chercheurs universitaires) ;
- les citoyens et la communauté ;
- l’administration territoriale (directeurs de services, fonctionnaires) ;
- les acteurs territoriaux (entreprises, organismes paragouvernementaux, écoles, syndicats, organismes communautaires, ONG, etc.) ;
- le comité de suivi.
3. (Pré)démarrage (variable selon le contexte mais entre 6-9 mois) :
- suivi, réajustements, nouveau plan d’action, institutionnalisation du processus (sans limite de durée).
Qu’est-ce qu’un acteur territorial ?
De l‘indo-européen ago, l’acteur, au sens étymologique du terme, est celui qui agit. Pour le Petit Larousse, l’acteur est celui qui prend une part déterminante dans une action. En fait, les acteurs déterminent l’aboutissement de la démarche par les actions qu’ils vont mettre en œuvre. En outre, chaque acteur agit sur son territoire selon des moyens et des stratégies, en fonction de la représentation qu’il a de ce territoire (Brunet et al., 1993).
Qui mobiliser et quand ?
Réussir à mobiliser et réunir les différents types d’acteurs, des leaders naturels, représentatifs de la structure sociospatiale de la communauté, qui se sentent particulièrement concernés par le développement territorial durable viable, dans un comité de travail efficient, est un facteur déterminant de la démarche A21L. Son succès dépend non seulement de la mobilisation mais aussi du partenariat et de l’effet synergique créés entre les acteurs de l’A21L. Toutefois, la mobilisation n’est jamais acquise une fois pour toute, surtout lorsqu’elle est largement basée sur le bénévolat ! Elle fait inexorablement face à des conflits d’intérêts, à des conflits de personnalité et de pouvoir.
Les initiateurs : convaincre de l’intérêt de la démarche
Le prédémarrage d’un A21L, c’est-à-dire l’exercice de conviction d’un noyau ou d’un petit groupe, implique, d’entrée de jeu, l’investissement de la part de quelques individus convaincus de l’intérêt d’un tel outil intégré de développement durable viable (DDV). Il exige une dose de stratégie et de leadership. Cet étape visant à influencer des décideurs, un noyau de personnes, une organisation peut être plus ou moins long (6 mois à 3 ans).
Dans le cas du projet pilote québécois (Saint-Félicien et Sorel-Tracy), il a fallu près de trois ans, incluant la recherche de financement, avant d’assister au démarrage, soit à l’engagement de la municipalité. Toutefois, à ce moment-là, soit au début du 21e siècle, les A21L étaient encore peu connus au Québec. Les initiateurs du mouvement en faveur des A21L pour le Québec, des chercheurs universitaires (Université Laval, Université de Sherbrooke, Université du Québec à Chicoutimi, Université du Québec à Montréal), se sont rapidement associés à des Organismes non gouvernemantaux (ONG) et à des municipalités.
Dans les 9 cas québécois connus en 2007, les initiateurs proviennent soit d’une ONG, d’un organisme de développement (CLD), d’une mairie ou d’une combinaison de l’un et de l’autre.
Les élus : un rôle modulé
L’A21L : un lieu et un vecteur de communication
L’A21L est aussi un lieu et un vecteur de communication entre les élus et les citoyens sur les affaires de la Cité. Comme la démarche A21L peut s’échelonner entre 1 an et demi et 15 ans, voire 20 ans dans le cas de la planification prospective de Hamilton-Wenworth, un canal (manière de faire) de communication sera établi au départ et accepté par tous de préférence. Comme il peut y avoir des changements de pouvoir, des élections ou encore que le plan A21L peut être en partie en contradiction avec la planification triennale ou annuelle de la Ville ou de la MRC, il importe que cette communication soit transparente et qu’elle puisse se faire aisément.
Selon les temps de la démarche A21L, mais aussi selon le contexte social et politique de chaque territoire, le rôle des élus se module. Il peut prendre la forme d’initiateur, d’observateur, de facilitateur, de promoteur, etc.
Au départ, avec l’acceptation de cette démarche, les élus acceptent de se faire influencer dans leur planification territoriale, dans leurs décisions, dans leurs politiques, par l’ensemble de la société civile. Toutefois, dans un modèle participatif visant l’empowerment (Voir fiche orientations), caractéristique de l’A21L, la démarche ne peut être menée d’une main autoritaire, de haut en bas. Car il s’agit d’une rencontre entre la démocratie participative et la démocratie représentative.
En bout piste, ce sont les élus qui sont imputables de l’application et de l’intégration des priorités de l’A21L dans les plans d’aménagement et de développement du territoire. Cela dit, l'engagement officiel des élu, envers le soutien de la démarche citoyenne et ses résultats, constitue le point de départ.
Tout au long du processus d’élaboration de l’A21L par la communauté et les citoyens, les élus sont à l’écoute : ils appuient et facilitent la démarche sans tenter d’orienter la composition et/ou les travaux du comité A21. Ils s’assurent que le comité A21 a les moyens humains et matériels pour réaliser la démarche (Voir fiche sur le financement ) et qu’il existe un canal de communication entre le comité A21, les élus, la population et l’ensemble des acteurs afin d’éviter la cascade des rumeurs, des incompréhensions et des inconforts de part et d’autre. La présence, à tire d’observateur, du directeur général ou d’un ou deux élus désignés par l’organisation territoriale, lors des délibérations du comité A21 est une option qu’ont choisie les municipalités pilotes.
Idéalement, tous les élus territoriaux sont donc informés, au fur et à mesure du développement de la démarche. Ils sont à l’écoute de la démarche citoyenne tout en ne se sentant pas menacés dans leur rôle de décideur. L’étape de la validation du plan d’action l’A21L, suite au dépôt du comité A21, peut être plus ou moins longue en fonction des enjeux politiques et du leadership du porteur de dossier à l’échelle de la collectivité.
Quant aux maires, nous avons observé que dans certains cas ils sont omniprésents et, dans d’autres cas, ils choisissent d’être des observateurs discrets.
La volonté politique, le leadership et la sensibilisation des élus : des conditions essentielles favorisant les collectivités viables
Le comité A21: le leader
Le comité A21 assume le leadership de la démarche du démarrage à l’élaboration et au dépôt du plan d’action aux élus territoriaux : il oriente la démarche et les travaux de l’équipe de soutien, suite à un mandat et un échéancier bien définis. C’est un groupe de travail constitué le plus souvent de bénévoles, qui propose aux élus, de concert avec la population, une vision et/ou des orientations et/ou des actions et projets de DDV.
La formation du comité A21 peut se faire soit sur la base d’un nouveau groupe de travail représentatif des enjeux de DDV (Saint-Félicien), soit d’un comité déjà existant transformé (Baie-Saint-Paul) ou soit sur la base d’une représentativité institutionnelle (Sorel-Tracy). Mais, dans tous les cas de figure, la présence sur le comité de leaders naturels, de personnes engagées par rapport à leur communauté et représentant les différents enjeux ou défis de la collectivité territoriale demeure une clef de succès.
Le comité A21 peut aussi, pour faciliter la participation, se subdiviser en sous-comités thématiques pour faciliter l’élaboration du diagnostic territorial et de la vision (cas de Lavaltrie et de la MRC des Sources).
L’équipe de soutien : du démarrage au suivi, une équipe impliquée, motivée et disponible
L’exemple du projet pilote
Dans ce cas, l’équipe de soutien était mixte (chercheurs universitaires et consultants). Afin d’appuyer la logistique du Comité A21, la Ville de Saint-Félicien a engagé un professionnel du collège d’enseignement (cégep) qui a assuré la fonction de secrétaire. Parfois, il s’agit d’un CLD, via un chargé de projet, qui assume ces tâches (MRC des Sources) ou encore un représentant d’un organisme communautaire (Estran 21).
L’équipe de soutien peut être composée de consultants, d’agents de développement, d’experts communautaires, de professeurs, de chercheurs, de représentants gouvernementaux, ou de toute personne qui a une expertise dans le DDV et qui désire s’investir. Du démarrage au suivi, elle accompagne le comité A21 en assurant principalement la logistique, telle que la production et la diffusion des documents de travail, des comptes rendus, la préparation des activités de consultation, de formation, de communication et d’évaluation.
En ce sens, l’équipe de soutien agit comme un facilitateur par rapport au travail à accomplir.
La présence d’une équipe de soutien pose la question des ressources matérielles et financières disponibles pour appuyer le comité A21, problème épineux mais pour lequel il existe aussi des ressources internes et externes, telle que l’enveloppe des pactes ruraux de Québec.
L’engagement officiel des élus se matérialise aussi par un appui matériel, car compte tenu de l’ampleur de la tâche que constitue la démarche participative A21L, elle constitue un facteur de succès.
Les citoyens et la communauté : des acteurs ponctuellement sollicités et informés
La participation des citoyens est primordiale, car ils sont les principaux bénéficiaires de la démarche qui en est une de renforcement des capacités et d’amélioration de la qualité de vie. Ils sont parties intégrantes du problème et de la solution de l’application du DDV à l’échelle de leur communauté. Sans l’adhésion citoyenne, la démarche perd tout son sens. Cette participation peut se concrétiser dans l’ensemble des étapes et selon le degré d’implication voulu par chacun. Cette implication peut se concrétiser sous diverses formes :
- prendre part au comité A21 ;
- prendre part au comité de suivi ;
- assister et /ou donner son opinion lors des consultations publiques (voir fiche consultation) ;
- assister à différentes manifestations publiques de formation ou consultation ;
- proposer des projets ;
- s’informer de l’actualité municipale et de l’évolution de la démarche ;
- mettre en pratique dans le quotidien des actions et/ou principes de DDV ;
- etc.
Trouver les moyens adéquats pour prendre le pouls des citoyens qui n’ont pas l’habitude de donner leur avis ou de prendre la parole est un défi. L‘implication du plus grand nombre de citoyens et d’institutions (écoles, organisations paragouvernementales) est un idéal à atteindre même si, dans la réalité de l’action, c’est un groupe limité de citoyens plus ou moins déjà informés et conscientisés qui participe. L’histoire des mouvements sociaux nous enseigne que c’est par les marges, par l’utopie d’une certaine manière, qu’une société avance vers un monde meilleur.
L'implication des citoyens dans la ville de Seattle
L’administration territoriale : un maillon entre les élus et les citoyens
L’administration territoriale, soit les services, les directions, les fonctionnaires, est interpellée dès le départ : demandes d’information des citoyens, demandes de documents pour la rédaction de l’état des lieux, sur la réglementation, sur les projets en cours. C’est un acteur important qui, préférablement, sera associé à la démarche, le plus rapidement possible. Car la mise en œuvre d’un mode de gouvernance plus participatif peut inquiéter le personnel administratif.
De même, comme l’A21L implique une plus grande transparence dans le mode décisionnel de même que l'adoption de pratiques plus écologiques sur le plan organisationnel et individuel, il est clair que cela a des incidences, à plus ou moins court terme, sur les décisions et les pratiques administratives. Pour faciliter leur collaboration et permettre l’intégration des orientations du plan d’action A21L, certaines villes (Baie-Saint-Paul et Saint-Félicien) ont vu à former leur personnel.
L’implication de l’administration territoriale et de tous ses services permet à la collectivité territoriale, engagée dans la démarche, de se positionner de façon exemplaire, c’est-à-dire de donner l’exemple à titre de premier écocitoyen. Cela permet aussi d’arrimer les politiques publiques locales et les services aux besoins des citoyens, aux orientations du DDV et au plan d’action. Du démarrage au plan d’action et à son suivi, le rôle positif des chefs de services, de la direction générale et l’ensemble des employés constitue un autre facteur de succès.
Les acteurs territoriaux : de la conception à l’application
Les acteurs territoriaux comprennent aussi bien les acteurs de développement économique, comme la Chambre de commerce locale, les représentants gouvernementaux ou les milieux communautaire et éducatif. Ils peuvent, par exemple, contribuer à l’état des lieux ou encore au plan d’action et à sa réalisation. Tous ces acteurs ne sont pas forcément impliqués à toutes les étapes la démarche d’élaboration de l’A21L mais leur appui, de par leurs compétences, leur expertise et parfois leurs ressources, est précieux. Bien que dans les cas québécois, ces derniers soient peu intégrés à ce jour, nous croyons qu’ils représentent tout de même des têtes de pont entre le comité A21 et les secteurs d’activités économiques présents sur le territoire. De même les représentants syndicaux des moyennes ou grandes entreprises, agissant sur le territoire, ne sont pas très présents dans les comités A21, du moins à ce jour.
Du côté du milieu associatif et communautaire, celui-ci agit comme un multiplicateur de l’information véhiculée par l’A21L. La participation de leaders dans le comité facilite cet effet multiplicateur. Certes le milieu associatif joue un rôle significatif dans le changement social et dans l’éducation populaire qu’il s’agisse d’environnement, de loisirs, de santé, d’économie sociale, etc. Mais, compte tenu de ses maigres ressources et d’objectifs ciblés en fonction des programmes gouvernementaux, son rôle mobilisateur est limité compte tenu qu’une démarche de planification stratégique, comme celle de l’A21L, peut comporter un territoire plus amples que celui de l’organisme communautaire. Toutefois, la participation des groupes communautaires à long terme est centrale au succès de l’A21L
Le comité de suivi : la relève du comité A21 et l’institutionnalisation du processus
Une fois le plan d’action déposé et accepté par la collectivité territoriale responsable, un comité de suivi, composé d’une partie des membres du comité A21, prend la relève. Le membership est alors renouvelé pour cette nouvelle phase dont la durée n’est pas limitée au départ. C’est le comité de suivi qui valide l’avancement du plan d’action, à l’aide d’indicateurs choisis et qui fait le lien à la fois avec l’ensemble de la population et la collectivité territoriale (Gagnon et al, 2002)
Mais la roue des plans d’action successifs ne peut pas tourner sans fin. L’application territoriale du DDV et la promotion de la démarche A21L doit mener à la consolidation d’une démocratie participative, au renforcement des capacités (empowerment) et à une meilleure coordination intersectorielle à l’échelle des collectivités territoriales. C’est pourquoi une institutionnalisation est souhaitable.
« Le processus de l’Agenda 21 local est considéré comme institutionnalisé lorsqu’il est compris, largement accepté et appliqué systématiquement lors de la prise de décision dans la gestion et la planification environnementale et urbaine. Les changements dans les approches de gestion et leurs retombées économiques et sociales peuvent être ressentis uniquement lorsque le processus est pratiqué systématiquement dans le cadre institutionnel existant (organisation, Ville, MRC). » (UnHabitat, 2004 : 16)
Que retenir ?
- La mobilisation de tous les acteurs, sur un même territoire, en vue de l’application territoriale du DDV, forme les maillons d’une même chaîne, entre une situation actuelle et une situation souhaitée et future ;
- les acteurs favorisent, par l’exercice de leurs responsabilités individuelles et communes, l’émergence d’une nouvelle manière de penser et de faire le développement des territoires ; leurs rôles sont complémentaires ;
- l’A21L procure une occasion de définir un projet collectif intégrant toutes les dimensions du développement sur un territoire donné, un projet fédérateur qui répond aux aspirations de l’ensemble des citoyens dont les plus fragilisés ;
- cette mobilisation, jamais facile, sous-tend un autre défi : développer constamment les compétences individuelles et collectives des participants et maintenir une dynamique constructive du groupe de travail à l’aide des services de soutien nécessaire.
Comment citer ce texte ?
GAGNON, C et E., ARTH. (2007). « Les acteurs de l’Agenda 21e siècle local et leurs principaux rôles. Identifier les acteurs selon les temps de la démarche ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9573_fr.html (page consultée le jour mois année).
En complément
La structure de travail d'un A21L
L'élaboration d'un plan d'action A21L
Les facteurs de réussite de l'A21L
Les suivi et l'évaluation d'un A21L
L'encadrement et le soutien financier
La gestion préventive des conflits et le développement de projets collectifs
Les A21L québécois dans notre Galerie d'expériences
Pour aller plus loin...
BRUNET, R., R. FERRAS et H. THÉRY. (1993). Les mots de la géographie dictionnaire critique, RECLUS, Montpellier 518 p.
GAGNON, C., L., LEPAGE, M., GAUTHIER, et G., CÔTÉ. (2002). Les comités de suivi au Québec, un nouveau lien de gestion environnementale, GRIR, Chicoutimi, 158 p.
UNHABITAT. (2004) Programme Agendas 21 locaux, Processus Agenda 21 Local, Approche et mode d’emploi, UnHabitat, 19 p.
Dernière modification: 18 février 2015