L'accessibilité des boisés et sentiers aménagés urbains: un enjeu de développement durable.
Le cas de Saguenay
Résumé L’un des défis majeurs de développement durable en milieu urbain touche la pérennité et la mise en valeur des espaces verts accessibles aux citoyens. Survolant les facteurs explicatifs de l’état des lieux de la 8ième métropole québécoise qu’est Saguenay, fusion de Chicoutimi, Jonquière et La Baie et de quatre autres localités (2001), le texte dresse un tableau synthèse de l’offre disponible de superficies boisées et de kilomètres de sentiers des trois arrondissements précédents de la ville. Le lecteur pourra ainsi amorcer une comparaison avec son propre milieu de vie.
- Les espaces au sein des villes: un enjeu des Agendas 21
- État des lieux des boisés et sentiers aménagés par arrondissement
- L'arrondissement de Chicoutimi
- L'arrondissement de Jonquière
- L'arrondissement de La Baie
- Types de sentiers
- La tenure des sentiers
- Le mode de gestion
- Éléments conclusifs et perspectives
Les espaces au sein des villes: un enjeu des Agendas 21
Parmi la trentaine d’enjeux de développement durable identifiés par l’Agenda 21, il y a celui des espaces verts au sein des villes, espaces également appelés forêts urbaines ou boisés urbains. En effet, parallèlement à cette marche inexorable des populations terrestres vers les villes, la demande populaire en boisés urbains ne peut que s’accélérer, afin de répondre aux besoins émergents, tant aux plans psychosocial, urbanistique qu’environnemental, sans oublier la santé publique.
La réponse des élus municipaux à ce besoin humain varie grandement selon de nombreux facteurs, parmi lesquels figurent:
- leur propre sensibilité à la cause environnementale ainsi que celle de leurs concitoyennes et concitoyens;
- le rapport de force avec les groupes environnementaux et les promoteurs immobiliers;
- la pression démographique, commerciale et industrielle;
- les contraintes biophysiques du territoire, telles qu’héritées de l’histoire géomorphologique ancienne, mais aussi récente de son développement, tout autant que de son occupation du sol.
État des lieux des boisés et sentiers aménagés par arrondissement
Il est pertinent de s’intéresser à Saguenay, 8ième métropole québécoise, en raison de son intéressante offre forestière urbaine en infrastructures vertes. Par cette expression, on entend ici les sentiers de randonnée pédestre aménagés en milieu urbain par les instances publiques et privées, à l’aide de nombreux partenaires du milieu environnemental et du plein air. Dans ce texte, y sont exclus les sentiers cyclables et leur boisé d’accueil principal, qu’est le boisé Panoramique, riche de 40 km de pistes et couvrant une superficie de 3,7 km2. Cet espace vert est à l’usage exclusif des cyclistes, du moins par résolution récente des membres du Club de vélo de Chicoutimi, gestionnaire des lieux, mais propriété majoritaire de Rio Tinto. Son usine jouxte le boisé, à la limite des deux arrondissements de Jonquière et Chicoutimi.
Aux fins d’appréhension et de brève comparaison de ce portrait avec d’autres villes, disons que le territoire de Saguenay:
- couvre l’importante superficie de 1,165 km², dont 55% en forêt de proximité, surtout en périphérie et regorgeant de chasseurs, pêcheurs et villégiateurs urbains;
- a consacré environ 12% de son territoire soit ±150 km² en espaces essentiellement industriels, commerciaux et résidentiels, grands dévoreurs d’espaces boisés et agricoles, mais :
- a surtout bénéficié d’une topographie en creux et en bosses; cela a permis de conserver environ 16 km2 de petits et grands écrins de forêt urbaine sur ces 150 km2 évoqués ci-haut;
- jusqu’à présent, ne s’est pas distinguée par une préoccupation importante au sein du conseil de ville pour les questions environnementales et de conservation, du moins au cours des trente dernières années.
Voyons maintenant en détail les résultats de ces multiples facteurs entrecroisés. Nous avons recensé un total de 27 boisés urbains avec sentiers aménagés sur le territoire habité de Saguenay (carte1 et tableau1), incluant l’écoumène des trois arrondissements de Chicoutimi, Jonquière et La Baie. Notons toutefois que le plus long sentier (40 km), sentier qui s’amorce au sud de l’arrondissement de Chicoutimi, se situe en grande partie sur le territoire de la MRC du Fjord-du-Saguenay qui ceinture la ville de Saguenay.
Carte 1 : localisation par arrondissement des boisés aménagés et entretenus à Saguenay
Note: les numéros localisés sur la carte correspondent à ceux de la colonne des boisés sur le tableau ci-dessous.
Tableau 1: Sentiers des boisés aménagés et entretenus à Saguenay, par arrondissement, 2017
Notes: tous les propriétaires de terrains privés (PR) permettent la libre circulation sur leurs terrains, sous réserve de comportements respectueux.
La majorité des terrains publics (PU) appartiennent à la ville
Les types de sentiers : RU = Rustique; SU = Semi-urbain; U = Urbain
L'arrondissement de Chicoutimi
Cet arrondissement concentre plus de 60% des boisés de la ville, à savoir 16/27. Il totalise 59 km, soit 54% du total des sentiers aménagés. De ce total, est exclu le boisé et le sentier du lac Kénogami, en bonne partie hors-norme par sa longueur exceptionnelle et hors territoire municipal. Cependant, sa gestion relève de Ville de Saguenay. La relative conservation de cette diaspora de petits boisés rémanents aux faibles superficies, est le riche héritage de la topographie de l’arrondissement de Chicoutimi, faite de monts, de berges et de ravins. Elle a freiné l’appétit des développeurs de tout acabit. Le parc urbain de la rivière du Moulin, à vocation sous-régionale, est le seul boisé de taille à s’imposer, avec 25 km de sentiers, d’ailleurs en restructuration vers le nord et en expansion vers le sud.
L'arrondissement de Jonquière
Cet arrondissement arrive en second avec environ le quart des boisés recensés, couvrant 333 ha, soit ±25% des 1 309 ha. Il compte 26 km de sentiers. Excluant d’office le vaste boisé panoramique de 3 km2 dédié aux vélos de montagne, c’est le boisé du Saguenay qui gonfle l’offre de Jonquière, autrement modeste. Ce riche patrimoine forestier encore intact est à mettre au compte du fleuron industriel régional qu’était Alcan, permettant aujourd’hui de jouir du Saguenay et de ses rives sur 16 km de sentiers. C’est son relief, moins morcelé qu’à Chicoutimi, qui a notamment entraîné une forte éradication des boisés, non suffisamment protégés par les gouvernements municipaux antérieurs.
L'arrondissement de La Baie
Enfin, cet arrondissement ne compte que sur trois boisés pour offrir 23,5 km de sentiers aménagés, totalisant ainsi plus du cinquième des pistes urbaines aménagées et 36% des superficies forestières attenantes. Le sentier Eucher se distingue par l’expérience québécoise unique d’un panorama grandiose sur la baie des Ha! Ha!, en prise directe sur le fjord. Mais le Centre de plein air Bec-Scie, également en périphérie urbaine, permet la troisième expérience de marche la plus longue de la région, juste avant le sentier du Saguenay et celui du lac Kénogami.
Types de sentiers
Ils peuvent être rustiques, c'est-à-dire larges d’environ un mètre, sur terre nue ou recouverte de matériel granulaire ou même de planches de bois. C’est la définition qu’en donne le service des sports et du plein air de la Ville. À ce chapitre, c’est la grande majorité des sentiers de Saguenay qui logent à cette enseigne. Rares sont les sentiers semi-urbains, bien plus larges et minutieusement entretenus, le plus souvent en poussière de pierre; ils alternent le plus souvent avec les rustiques. Enfin, le revêtement d’asphalte caractérise les sentiers urbains, très rares à Saguenay, surtout localisés dans les parcs urbains. (Voir colonne Type, tableau 1)
La tenure des sentiers
Il s’agit de leur mode de propriété en tant que biens fonciers: 60% des sentiers relèvent en totalité ou en partie d’une propriété publique, soit celle de la Ville ou d’une Commission scolaire, mais plus de 40% relèvent du privé, telle la grande industrie (RioTinto), ou encore des organismes sans but lucratif (OSBL), des promoteurs ou de simples citoyens qui en sont propriétaires (voir colonne Tenure, tableau 1).
Le mode de gestion
Une douzaine de gestionnaires s’activent sur ces boisés et ces sentiers, mais 7 boisés sur dix sont propriété municipale ou impliquent une gestion directe ou indirecte de Ville de Saguenay. Les verts boisés du fjord (LVBF) par exemple assume une gestion déléguée relativement autonome d’une dizaine de sentiers, que lui permet une subvention municipale annuelle de ± 57 000$, loyer compris, à laquelle s’ajoutent quelques contrats de districts. Eurêko! réalise plutôt des interventions commandées directement par le Service des sports et du plein air de la Ville. Ce dernier assume de nombreuses tâches, comme les relevés, les inventaires, une signalisation et une règlementation uniformes, les droits de passage, les panneaux d’interprétation, la coordination des interventions, etc. (voir colonne Gestion, tableau 1). À l’écart de ces
boisés, des dizaines d’autres kilomètres de sentiers cyclopiétonniers favorisent la marche des citoyennes et citoyens des trois arrondissements. Ils se situent dans des parcs urbains tous situés en bordure du fjord ou d’une rivière, au cœur des noyaux urbains, mais dotés d’environnements mixtes où les arbres arrivent lentement à gagner sur le béton. Il s’agit du parc de la zone portuaire de Chicoutimi, du parc et de la promenade de la rivière aux Sables et du parc de la piste cyclable et piétonnière de la baie des Ha! Ha! Et enfin, des dizaines de kilomètres de “sentiers d’usage” parsèment les boisés urbains, ouverts par les résidents riverains de ces boisés, et habituellement entretenus par la seule fréquentation des lieux, le plus souvent les jeunes du quartier.
Éléments conclusifs et perspectives
Nous concluons :
- pionnière en la matière, Saguenay a su se démarquer des autres métropoles québécoises en créant un service dédié aux sports et au plein air, assorti d’un budget qui permet depuis dix ans la conservation et la mise en valeur de ses boisés urbains. La pression certaine des groupes socio-environnementaux a permis l’émergence de cette structure et de cette volonté de conservation,
couplée à l’apport indéniable d’une fonction publique sympathique à cette cause. Signalons aussi le coup de pouce significatif d’une multinationale comme Alcan au siècle dernier ou Rio Tinto maintenant, qui a su conserver son patrimoine arboré et en déléguer sa gestion à la Ville. Et au-delà des groupes, reconnaissons la présence active des dizaines de bénévoles qui les composent et maintiennent le feu sacré de la conservation, pas encore réellement partagé par la majorité des élus...
- Pour aller un peu plus loin dans la bonification des infrastructures vertes, l’exemple du sentier de la Traverse du Coteau mérite une mention spéciale, redevable de l’initiative de l’un de ces élus de quartier écolos qui mise sur la culture. Élu, faut-il ajouter, fortement épaulé par un comité de citoyens engagés, d’ONGE saguenéens et même montréalais, voire même des urbanistes municipaux. Ce sentier est maintenant enrichi de plusieurs sculptures d’un artiste régional, d’installations floristiques, horticoles et fauniques, d’un mur de graffitis légal, de signalisations diverses et enfin d’un plan de franchissement d’une grande artère routière! Sans aller si loin dans la créativité, des sentiers, ainsi enrichis d’un supplément d’âme ou d’une touche culturelle, pourraient séduire et attirer de nombreuses tranches de citoyennes et citoyens, de 7 à 97 ans… C’est maintenant la prochaine étape vers des sentiers régénérateurs et démocratiques!
- Un dernier point : si un développement économique robuste s’avère un gage indispensable de prospérité pour une ville, son développement harmonieux à long terme doit également s’appuyer sur LES deux autres piliers du développement durable : le social et l’environnemental. Une forêt urbaine accessible, aménagée et attirante pour les citoyens, résidents et employés de cette ville, fait partie de ces aménités qui assoient son avenir, qui incluent une nature de proximité, gage d’une santé publique améliorée et un territoire minimalement protégé des aléas d’un climat de plus en plus extrême. C’est là un défi d’engagement socio-environnemental, à la portée de chaque citoyen et porteur de plaisirs quotidiens, voire de joie renouvelable!
Dernière modification: 23 mars 2019