L’état des lieux du territoire pertinent à l’action

 

Identifier les forces et les faiblesses selon un cadre de développement durable viable

Résumé
L’état des lieux d'un territoire est un portrait synthèse, multidimensionnel et temporel des caractéristiques d'une ou des communauté(s), selon des enjeux de développement durable viable, documentés à l'aide d'indicateurs, et identifiant les forces et les faiblesses à l'oeuvre sur le territoire. Il constitue une étape significative de la démarche Agenda 21e siècle local (A21L).

Qu’est-ce qu’un état des lieux ?

L'élaboration de l’état des lieux (ÉDL) d'un territoire pertinent à l’action, à savoir un quartier, une municipalité, un bassin versant, un regroupement de municipalités (Estran-21), une microrégion (MRC des Sources), une région, un regroupement de régions (A21 transandin, Chili et Argentine), est une étape significative de la démarche d’un Agenda 21e siècle local (A21L).

L’ÉDL est un portrait synthèse, multidimensionnel et temporel -- des caractéristiques d'une ou des communauté(s), des forces et des faiblesses à l'oeuvre sur le territoire -- selon des enjeux de développement durable viable (DDV), documentés à l'aide d'indicateurs. Globalement, il répond aux questions suivantes :

  • où en sommes-nous ? ;
  • quelles sont nos forces et nos faiblesses ? ;
  • quelles sont les menaces et les opportunités ?

Le premier défi est de faire un portrait dans lequel la communauté se reconnaît et avec lequel elle peut bâtir un plan d'action. Le deuxième défi est de traiter des dimensions sociale, économique, environnementale et de gouvernance territoriale, non pas de façon superposée et énumérative, mais en croisant ces dimensions pour en saisir leur interactivité, voire leur «conflictualité».

C’est un document élaboré selon une méthode scientifique, c'est-à-dire rigoureusement, mais dont la facture demeure vulgarisée, accessible et synthétique, soit de l'ordre d'une quarantaine de pages. L'ÉDL sert de cadre de référence commun lors des échanges et des débats avec l'ensemble des acteurs. Sa structuration est basée, autant que possible, sur un cadre conceptuel lié aux thèmes ou grandes variables du DDV, et adapté aux spécificités du territoire (cadre conceptuel de l’A21L de la ville de Saint-Félicien, Québec).

L'ÉDL est évolutif. Il peut donner lieu à des précisions et/ou des ajouts et/ou des ajustements suite aux échanges. Par exemple, dans le cas de Saint-Félicien, des Faits saillants des discussions de l'ÉDL ont été rédigés, suite à la lecture et aux commentaires du comité A21.

À quoi sert un état des lieux ?

L’ÉDL procure une vision globale et transversale des problématiques de développement du territoire pertinent. De là, le comité peut discuter des forces et des faiblesses, des menaces et des opportunités, tout en soulevant de futures orientations du plan d’action et/ou de la vision stratégique. Il permet, aux acteurs de l’A21L, de structurer leurs échanges sur l’état actuel de la situation de même que sur le devenir souhaité du développement de leur communauté, lors de l'étape de la planification du projet de développement DDV.

Lors de l'étape du suivi, compte tenu des données compilées, il est tout aussi utile: il sert de point de départ (état initial) afin d'évaluer, de mesurer et d'apprécier les changements survenus, tant quantitatifs que qualitatifs, sur le plan de la qualité de vie et du DDV, entre deux périodes de temps donné, correspondantes idéalement aux recensements officiels.

Qui élabore l’état des lieux ?

L’ÉDL peut être élaboré, en partie ou en totalité, par quatre types d’acteurs, selon les ressources disponibles dans le milieu :

  • des agents de développement local ou des agents du milieu communautaire ;
  • des chercheurs universitaires et/ou des consultants ;
  • des fonctionnaires municipaux en collaboration avec le comité A21 ;
  • des bénévoles travaillant ou non au sein d'organismes de la société civile.

Pour des fins de renforcement des capacités de la communauté, l'ÉDL se fait idéalement en collaboration avec le comité A21 et avec le soutien d'experts. Dans tous les cas, il sera validé et réapproprié par les acteurs de l’A21 et, autant que possible, par l’ensemble de la population.

Quels sont les thèmes, les enjeux possibles ?

Les thèmes de l'ÉDL – désignés aussi par enjeux, défis – couvrent un large spectre compte tenu de leur caractère multidimensionnel. Le choix des thèmes à documenter dépend des caractéristiques et des problématiques de développement de chaque territoire. Mais généralement, ils recouvrent aussi les grands enjeux de DDV comme :

  • l'aménagement intégré du territoire ;
  • l'économie locale ;
  • la gouvernance terroriale, participative ;
  • les pratiques institutionnelles ;
  • la qualité de l'environnement ;
  • le développement social et la pauvreté;
  • la cohésion sociale ;
  • les variations démographiques ;
  • la cohabitation des usages sur le territoire ;
  • le transport public/collectif ;
  • la qualité de vie ;
  • etc.

Le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) proposait, en 1996, 7 thèmes et 38 sujets pour la mise en œuvre d’Agendas 21 au Québec.

Comment choisir les thèmes, les enjeux, les variables et leurs indicateurs ?

L’exemple de Lavaltrie (Québec)

Lors de la première consultation publique, les participants ont exprimé leurs perceptions quant aux forces, faiblesses et problèmes vécus à Lavaltrie. Par la suite, les comités thématiques formés au départ ont formulé et analysé 9 problèmes.

Le choix et la documention des thèmes et des enjeux, voire des problèmes, qui structurent l'ÉDL peut se faire de différentes manières: par remue-méninges, par le biais d'une sytnhèse des documents récents existants, par consultation, par enquête, etc. Quant au choix des variables (sous-thèmes), des indicateurs et leur nombre, c'est une tâche plus ardue: elle exige une connaissance des sources de données, une connaissance sur la validité et l'accessiblité des données, etc.

Les données obtenues, à partir des indicateurs retenus, permettent de décrire des perceptions, de mesurer des faits, des états, des pressions, des variations, de comparer temporellement ou spatialement, et ce en regard des thèmes ou variables choisis pour le territoire à l'étude. La taille de l’équipe de rédaction, le budget, le temps et la disponibilité des données sont aussi des contraintes à prendre en compte, et ce, dès le départ. Il existe plusieurs systèmes nationaux d'indicateurs de développement durable (DD) desquels il est possible de s'inspirer – le Québec est en train de s'en doter d'un – mais l'important est de choisir des indicateurs adaptés, fiables et accessibles, mais aussi qui permettent certains comparables dans le temps et d'un territoire à l'autre (voir Ditor et al, 2001 et CQDD, 2002)

Quelles sont les étapes et la méthodologie de l'état des lieux ?

Nous détaillons ci-dessous deux méthodologies qui correspondent à des étapes et des situations différentes. La première méthodologie est déduite du cas de Saint-Félicien et la seconde de Sorel-Tracy. Les étapes sont modulables selon les besoins et les ressources. Il ne s'agit pas ici d'une recette ou d'une norme, mais de propositions en vue l'établissement d'un cadre de travail.

Méthodologie 1 : élaborer un état des lieux à partir de données secondaires et d'un cadre conceptuel établi

Élaboration préliminaire d’un cadre conceptuel, incluant une pré-sélection d'enjeux, de variables et d'indicateurs, à partir :

  1. de la littérature sur les indicateurs et sytèmes d'indicateurs de DD ;
    des documents de deuxième main relatifs à des études concernant le territoire choisi ;
    des entrevues et/ou des rencontres avec des informateurs clefs de la communauté en vue de recueillir leurs points de vue sur les enjeux prioritaires de développement.
  2. Validation du cadre conceptuel, soit les enjeux, les variables et les indicateurs pertinents : le choix définitif implique un mouvement itératif et interactif entre les responsables de l'élaboration de l'ÉDL et le comité A21. Cette validation pourrait aussi donner lieu à une consultation publique ;
  3. Cueillette des données et leur entrée dans la base de données, géoréférencée ou non ;
  4. Analyse des données et traitement statistique et/ou cartographique : certaines données peuvent être intégrées à un système d’information géographique (SIG) permettant de réaliser une analyse spatiale de la variable étudiée et, lors du suivi, ainsi avoir accès à une base de données géoréférencée et la mettre à jour ;
  5. Rédaction de L’ÉDL ;
  6. Validation de L’ÉDL auprès de la collectivité et du comité A21 et réajustements (si nécessaire).

Méthodologie 2 : élaborer un état des lieux à partir d’études déjà existantes

L’exemple Sorel-Tracy

Cet ÉDL synthétise et met en lien les multiples facettes du développement de Sorel-Tracy. Le Comité de parrainage (ou comité A21) a estimé qu’il existait déjà plusieurs portraits sectoriels, parfois multisectoriels, du territoire et qu’il ne serait pas pertinent de recommencer un exercice similaire. L’analyse de la documentation a permis d’identifier 14 enjeux. Après quelques séances de travail, ceux-ci ont été reformulés en 6 défis.

  1. Recherche documentaire et sélection des documents de références pertinents ;
  2. Synthèse des enjeux et des orientations recensés en fonction des thèmes de DDV sélectionnés. La synthèse des enjeux et des orientations peut être présentée au comité A21 pour discussion ;
  3. Reconstruction préliminaire des enjeux de DDV. Cette étape implique un mouvement itératif et interactif entre les responsables de la rédaction et le comité A21 ;
  4. Reformulation finale en défis et rédaction de l'ÉDL ;
  5. Validation de l’ÉDL auprès de la collectivité et du comité A21 et ajustements si nécessaire.

Il pourrait aussi y avoir une troisième méthodologie basée sur les observations et les perceptions des particpants et des acteurs. Mais celle-ci nécessite plus de temps car, en bout de piste, il faut aussi revalider et documenter, de façon rigoureuse, ces perceptions qui peuvent, à l'épreuve des données, s'avérer plus ou moins vraies.

Quelles sont les sources des données secondaires ?

La recherche, menant à la rédaction de l’ÉDL, s’appuie sur des sources de données telles que :

  • les recensements statistiques nationaux, provinciaux et régionaux ;
  • les études sectorielles des ministères ou des organismes parapublics ;
  • les médias ;
  • les plans d’urbanisme et les schémas d’aménagement ;
  • les documents (procès-verbaux, enquêtes, sondages, etc.) des organismes du milieu ;
  • les rapports annuels des entreprises.

Le ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) a développé 19 indicateurs de gestion à l’intention des municipalités du Québec. Ces indicateurs permettent de fournir des données sur les thèmes suivants :

  • la voirie municipale ;`
  • l’enlèvement de la neige ;
  • l’approvisionnement en eau, le traitement et le réseau de distribution ;
  • le traitement des eaux usées et des égouts ;
  • la santé financière globale.

Les municipalités locales doivent transmettre au ministère les valeurs obtenues pour les 19 indicateurs obligatoires de gestion. Ces données peuvent donc être utiles lors de la rédaction d’un état des lieux à l’échelle municipale. Ces informations sont colligées annuellement ce qui permet de saisir leur évolution temporelle.

Que retenir ?

L'élaboration d'un ÉDL est une étape importante, car elle structure l'ensemble de la démarche A21L ;

  • l'élaboration d'un cadre conceptuel demande beaucoup de temps. Nous suggérons donc, si le temps et les ressources sont limitées, d'adapter un cadre ou un système d'indicateurs déjà existant et/ou de partir de documents existants. Toutefois, ce dernier devrait correspondre à l'échelle territoriale pertinente (locale ou microrégionale ou régionale ou interrégionale) ;
  • l'important est de produire un document de travail structuré en fonction des principes de DDV ou enjeux territoriaux de DDV; document qui sert à échanger et, à travers ces échanges, à structurer une vision, un projet commun de territoire ;
  • le choix des enjeux, des variables et des indicateurs demande rigueur, réflexion, voire un soutien professionnel ;
  • le partage de la méthodologie et/ou du cadre conceptuel avec les acteurs est une occasion de renforcement des capacités ;
  • la cueillette des données peut aussi être longue : il faut donc adapter le choix et l'étendue des indicateurs aux ressources humaines et financières disponibles ; il faut compter sur un minimum de 35 000 $ CDN pour réaliser un ÉDL ;
  • l’identification des forces et des faiblesses à l'oeuvre sur le territoire permet au comité A21 le définir des pistes d’action.

Des exemples...

Comment citer ce texte ?

GAGNON, C., et E., ARTH. (2007). « L’état des lieux du territoire pertinent à l’action. Identifier les forces et les faiblesses selon un cadre de développement durable viable ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9576_fr.html (page consultée le jour mois année).

En complément

Les acteurs de l’A21L et leurs principaux rôles
L'élaboration d'un plan d’action A21L
La structure de travail d’un A21L
Pourquoi se doter d'un A21L ?
L'A21L de Saint-Félicien
L'A21L de Baie-Saint-Paul
L'A21L de Lavaltrie
L'A21L de Sorel-Tracy

Pour aller plus loin...

MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, PARC ET ENVIRONNEMENT (MEDDEP). (1996). Mise en œuvre d'action 21; exemples d'initiatives du gouvernement du Québec en matière de développement durable, Québec, 135 p.

DITOR, M., D.O’FARRELL, W.BOND, J.ENGELAND. (2001). Lignes directrices sur l’élaboration d’indicateurs de la durabilité, Environnement Canada. [En ligne]

CENTRE QUÉBÉCOIS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE. (2002). Tableau de bord sur l’état de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, CQDD, Alma, 125 p.

 

Dernière modification: 19 février 2014