Pourquoi se doter d’un Agenda 21e siècle local ?

 

Un outil intégré de planification du développement durable viable

Résumé
Dans un premier temps, un bilan de l’évolution des Agendas 21e siècle locaux (A21L) dans le monde est tracé. Ensuite, nous abordons, de façon globale, le pourquoi, soit la pertinence d’une démarche d’A21L. Enfin, à partir des cas québécois, nous recensons les raisons et les évènements déclencheurs qui ont motivé les communautés à démarrer un processus participatif de changement.

Le bilan des Agendas 21e siècle locaux

Les Agendas locaux 21e siècle dans le monde

En 2002, l’ICLEI recensait 6 500 Agendas 21e siècle locaux (A21L) dans le monde. La plupart, soit 80 %, se retrouvent en Europe, particulièrement en Europe du Nord ; 11 % en Asie et dans la région du Pacifique, l’Afrique, l’Amérique Latine et l’Amérique du Nord rassemblent chacune 2 % des initiatives mondiales (chiffres 2002). Selon l’ICLEI (2002), 41 % des A21L mondiaux sont issus de campagnes nationales d’encouragement. Un nouveau bilan devrait être rendu public sous peu par l'ICLEI.

Les A21L sont identifiés, par les gouvernements, comme un outil de développement durable viable et font généralement partie des stratégies nationales de développement durable ou Agenda 21 nationaux (Europe et Brésil). Il y a donc une dynamique institutionnelle, une planification descendante ou centralisée, soit du haut vers le bas. Au Brésil, les gouvernements s’appuient sur les universités afin que ces dernières soutiennent les initiatives du milieu.

En Europe, 25 pays (dont 22 sont membres de l’Union Européenne) disposent d’une stratégie nationale de développement durable (SNDD) (ARE, 2005). Parmi eux, 17 y ont intégré la promotion des A21L ou y font référence. Une étude suisse sur la promotion nationale des Agendas 21 locaux en Europe, (ARE, 2005) note que sur les 13 pays étudiés, seuls trois ne font pas explicitement référence à la promotion des A21L dans leur stratégie nationale de développement durable (DD) : soit les Pays-Bas, la Finlande et la Suisse. La plupart des pays analysés n’ont pas de mandat légal clairement défini en ce qui concerne l’A21L, sauf au Danemark et au Royaume-Uni qui exigent que leurs communes et/ou régions élaborent une stratégie A21L.

L’Italie fixe un financement d’activation et de réalisation des A21L et la France, elle, possède toute une panoplie de lois qui incitent indirectement à la création d’A21L, en lien avec le territoire durable et la démocratie de proximité. Par exemples, les Chartres de pays et les projets d’agglomération, prévus dans la Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) recouvrent explicitement le concept d’A21L (Coméliau et al, 2004).

Les Agendas 21e siècle locaux au Québec

En Amérique du Nord, de même qu’au Canada, nous n’avons pas de bilan détaillé de l’évolution des politiques/stratégies A21L. Au Canada, la Table ronde nationale sur l’environnement a proposé au gouvernement fédéral d’adopter des politiques dans le sens du développement durable viable (DDV) urbain (TRNE, 2003).

Au regard des pays européens, au Canada comme au Québec, la situation des A21L traîne de la patte ! Outre le cas très connu d’Hamilton-Wentworth et son programme Vision 2020 qui se veut un exemple phare (bien qu’il se situe davantage du côté de la prospective territoriale), les premières tentatives au Québec n’ont eu lieu qu’en 2005. En 2006, il n’y avait qu'une dizaine de collectivités territoriales engagées officiellement dans une démarche A21L, dont deux ont un plan d’action adopté. Par ailleurs, ce retard dans l’implantation et la mise en œuvre de plans et politiques environnementales locales ne date pas d’hier, puisque déjà en 1998, Makuk et Parenteau révélaient que, sur 128 villes sondées, seulement 22 possédaient des buts et des objectifs environnementaux.

Le retard accusé par le Québec est dû notamment au fait que les gouvernements supérieurs ont peu encouragé la mise en place de A21L (Gagnon, 2006). De plus, la Politique nationale de développement durable (PNDD, Loi 118, 2006) et la Stratégie gouvernementale de développement durable (2007) n’identifient pas les A21L comme un comme un outil de mise en oeuvre pour les municipalités. Il n’existe pas non plus de programme gouvernemental spécifique consacré aux communautés désireuses d’entreprendre une telle démarche, bien que diverses enveloppes gouvernementales d'appui au développement territorial puissent servir à cet effet. Au Québec, les initiatives d’A21L dépendent uniquement du volontarisme et de l’appui des collectivités territoriales. Toutefois, un projet pilote, financé par la FAQDD (2005-2006), a permis de faire connaître cet outil et d'appuyer deux municipalités québécoises dans leur mise en oeuvre.

Néanmoins, le tableau n’est pas aussi noir qu’il ne le paraît. S’il n’existe pas de programmes gouvernementaux visant le soutien financer des A21L, certains peuvent être utilisés à cette fin, dont le Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), les Pactes ruraux (Québec) . De plus, le Réseau québécois des villes et villages en santé (RQVVS) œuvre à la promotion et au soutien du DDV des milieux de vie sain depuis 1990. Sur les 1 294 municipalités recensées en 2006 (ISQ, 2006), 193 adhèrent déjà au RQVVS. Il faut toutefois reconnaître que les projets menés par les municipalités membres du réseau RQVVS sont souvent ponctuels et rarement intégrés à un plan ou une politique environnementale municipale.

Pourquoi faire un Agenda 21e siècle local ? Quelle est la pertinence?

De façon globale, c’est-à-dire en s’appuyant sur l’ensemble de la documentation sur le thème de la pertinence, nous avons identifié divers types d’arguments utilisés, par les porteurs et/ou par les gouvernements, pour justifier une démarche d’élaboration d’A21L :

  • prendre conscience de l’urgence de la prise en compte des enjeux environnementaux et internationaux, voire de la situation actuelle de crise (RARE, 2004 : 18) ;
  • répondre aux directives/politiques/stratégies/lois du gouvernement central lui-même influencé par des instances internationales, telles que la Communauté Européenne, une Commission nationale, les groupes de travail internationaux liés aux conventions ou à des organisations internationales, telles que les Nations-Unies etc. ;
  • répondre à la pression sociale venant de tous les milieux (institutionnel, communautaire, privé, citoyens) afin d’adopter de nouvelles approches, méthodes de travail et outils pour mieux adapter la façon de faire des organisations, des ménages, des entreprises aux nouvelles donnes socio-environnementales, tels les changements climatiques, le transport durable, la production/consommation énergétique, etc. ;
  • répondre aux besoins fondamentaux, attentes et aspirations (valeurs) des individus et des groupes sociaux, dont les plus fragilisés, tout en favorisant la participation active de la communauté au développement local viable (par exemple le Brésil) ;
  • se donner un outil opérationnel et stratégique de DD, pour le long terme, et qui se décline en programmes d’action, programmes soumis à une évaluation régulière tout en valorisant le territoire et en renforçant le sentiment d’appartenance (par exemple la France) ;
  • aider aux changements rapides : s’adapter adéquatement avec créativité/innovation et éviter les erreurs coûteuses notamment dans l'aménagement et la gestion du territoire ;
  • faire plus avec moins, dans un contexte de raréfaction de ressources et d’économie des énergies, en mobilisant les énergies au sein des services publics des collectivités territoriales (optimiser les projets publics, mieux maîtriser les dépenses, améliorer l’évaluation et le suivi) ;
  • mettre à contribution les forces vives tout en favorisant plus de cohésion sociale, de démocratie participative (de proximité) et une citoyenneté responsable ;
  • se donner un nouvel instrument de planification territoriale et de participation, prenant en compte explicitement l’environnement et relié étroitement à la planification du développement et à ses outils réglementaires (schéma d’aménagement, plan d’urbanisme) dans le cadre d’une gouvernance territoriale, c’est-à-dire décentralisée et ouverte sur la société civile ;
  • développer un projet de territoire fédérateur selon les capacités écologiques du territoire et des principes de DD où les élus assument un leadership transformationnel ;
  • redonner confiance et responsabiliser les acteurs dans une logique de concertation ;
  • combattre la pauvreté, prévenir les problèmes de santé publique, et les crises.

C'est le moment d'agir !

Un document a d'ailleurs été produit sur le thème de la pertinence des A21L à l'intérieur des municipalités québécoises (Roche et Gagnon, 2004)

« Dans quelques pays, la promotion des [A21L] n’est pas faite directement par le gouvernement central. Ainsi l’Allemagne a choisi de déléguer la promotion de [l’A21L] à une structure externe au gouvernement (agenda-transfer, Agentur für Nachhaltigkeit GmbH), tandis qu’en Finlande, c’est le CNDD (une délégation du gouvernement participe au CNDD) qui en a la responsabilité. En Italie, ce sont les autorités locales regroupées dans une association (350 membres) qui s’en occupent activement […] Mais, la majorité des gouvernements collabore de manière institutionnalisée avec les autorités locales » (ARE, 2005).

Ainsi, il y a plusieurs types d'arguments. Nous en avons formalisés ici une dizaine. Malgré les accents nationaux (territorial ou planificateur ou social ou environnemental, etc.) ou les dynamiques plus par le haut ou institutionnalisées (Europe, Brésil) ou par le bas (Amérique du Nord), la planification d'A21L s’appuie globalement sur un même type d'arguments.

Pourquoi planifier différemment ?

Pourquoi planifier différemment ?

© Vivre en ville

Raisons et événements déclencheurs des Agendas 21e siècle locaux dans les collectivités territoriales québécoises

Plusieurs raisons motivent les municipalités et/ou les acteurs territoriaux à entreprendre un A21L. Elles couvrent un spectre très large : elles vont du social (accroître qualité de vie) à l’économique (diminuer le chômage) en passant par l’écologique (stimuler la construction d’édifices et de logements « verts ») et même la communication (se donner une image de municipalité écologique). De même, dans les objectifs de chaque A21L, il y a aussi lire des raisons plus spécifiques qui motivent la démarche. Mais nous avons choisi de ne pas les inclure dans la liste ci-dessous, nous concentrant davantage sur les motifs principaux invoqués dans les fiches projets :

  • se donner une politique de DDV (Baie-Saint-Paul) ;
  • mettre en œuvre un plan stratégique à long terme capable de répondre aux réalités territoriales (Baie-Saint-Paul) ;
  • adopter un plan de relance basé sur une vision de DD (MRC des Sources) ;
  • changer de cap afin de diversifier l’offre d’entreprises et reconvertir l’industrie manufacturière (Sorel-Tracy) ;
  • devenir une région d’excellence en DD (Sorel-Tracy) ;
  • refuser de baisser les bras face à l’épuisement des ressources (Estran-21) ;
  • revendiquer le statut de Paysage humanisé, aire protégée au sens de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel du Québec (Estran-21);
  • rapprocher le conseil de ville et les citoyens ainsi que leurs préoccupations (Saint-Félicien) ;
  • favoriser la participation des citoyens dans le développement local et intégrer les principes de DD dans la prise de décision et la planification à l’échelle locale (Saint-Félicien) ;
  • initier la participation citoyenne au développement de la Ville dans le cadre d’une approche de DD (Lavaltrie) ;
  • faire en sorte que la collectivité prenne en charge son développement (Lavaltrie) ;

et les évènements déclencheurs suivants :

  • sommets économiques (Baie-Saint-Paul, Lavaltrie) ;
  • adoption d’un plan de relance basé sur une vision de DD et enrichi par la dimension environnementale (MRC des Sources) ;
  • dévitalisation économique des années 90-00 (Sorel-Tracy, Estran-21, MRC des Sources) ;
  • moratoire sur la pêche (Estran-21) ;
  • constats de la dévitalisation et de la déstructuration du territoire et nécessité de changement (Estran 21, MRC des Sources) ;
  • opportunité de participer à un projet pilote (Saint-Félicien, Sorel-Tracy) ;
  • formation en animation territoriale, dans une perspective de DD, d’agents de développement locaux (Lavaltrie) ;

Que retenir ?

  • Malgré les accents nationaux (territorial ou planificateur ou social ou environnemental, etc.) ou les dynamiques plus par le haut ou institutionnalisées (Europe, Brésil) ou par le bas (Amérique du Nord), la planification d'A21L s’appuie globalement sur un même type d'arguments ;
  • Il s’agit, donc, de donner plus de cohérence, de lisibilité à la problématique du DDV d’un territoire en engageant un processus de changement avec l’ensemble des acteurs et des citoyens ;
  • Il importe dès le départ de la démarche d’identifier les motivations amenant chaque communauté à démarrer un projet de transformation sociale et territoriale.

Comment citer ce texte ?

GAGNON, C. ET ARTH, E. (2007). « Pourquoi se doter d'un Agenda 21e siècle local ? ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9689_fr.html (page consultée le jour mois année).

Dernière modification: 18 février 2015