Comment un projet de paysage peut devenir une orientation centrale
ou secondaire d’un plan d’action ?
Une réflexion collective sur le paysage d’une municipalité, d’une Municipalité régionale de comté ou d’une région permet de prendre conscience de son importance et d’établir une démarche commune. Un projet paysage peut devenir une orientation centrale ou secondaire d’un plan d’action Agenda 21e siècle local.
Pourquoi se préoccuper de paysage ?
De nombreux exemples témoignent de l’évolution préoccupante de nos paysages :
- la banalisation de paysages : prépondérance de l’automobile, dégradation du patrimoine bâti et paysager, standardisation des modèles et des solutions ;
- la transformation de paysages découlant de certaines activités, telles les coupes à blanc et le reboisement par monoculture, l’industrialisation de l’agriculture entraînant une uniformisation des paysages ruraux, l’abandon de fermes et l’enfrichement ou le reboisement ;
- la disparition de certains paysages naturels sous les pressions économiques et les moyens technologiques.
Comment définir le paysage ?
« Le paysage est beaucoup plus que les caractéristiques visibles d’un territoire et la définition du paysage doit être élargie afin d’englober l’interaction entre l’activité humaine et l’environnement. Des éléments biophysiques, anthropiques, socioculturels, visuels et économiques s’inscrivent ainsi dans la notion de paysage» (Charte du paysage québécois, 2000).
Comment une préoccupation accrue à l’égard du paysage peut contribuer au développement durable ?

© Estran-21
Réfléchir sur le devenir des paysages, c’est réfléchir sur l’évolution d’un territoire comme le reflet de la culture de ses habitants : les valeurs et témoignages que nous voulons exprimer à travers le paysage et léguer aux générations futures. Le paysage représente une préoccupation de plus en plus exprimée par la population.
Le paysage est un facteur de développement puisque la qualité de vie devient un atout et un argument de promotion économique et de développement touristique. Le pouvoir d’attraction touristique repose sur des principes d’unicité et d’authenticité du lieu de manière à créer un avantage concurrentiel.
Comment réaliser une démarche en matière de paysage ?
Le projet de Paysage humanisé de l’Estran (Québec).
Le projet de Paysage humanisé de l’Estran est avant tout essentiellement un projet de société qui a pour objectif de conserver et de mettre en valeur, de manière durable, les patrimoines naturels, paysagers et culturels de l’Estran. Son succès est totalement tributaire d’une adhésion sociale aux objectifs fixés : adhésion des citoyens, des organismes concernés et des autorités municipales.
Une démarche en paysage requiert l’implication des élus, des organismes du milieu et des citoyens. Un organisme existant ou créé à cette fin, peut coordonner les différentes étapes de la démarche. Il faut toutefois identifier un chargé de projet qui peut, avec l’appui des ressources professionnelles appropriées (urbanistes, aménagistes, architectes de paysage, etc.), coordonner la démarche. Cette démarche peut aussi être entreprise à l’intérieur de la démarche de l’Agenda 21e siècle local (A21L) et/ou faire l’objet d’actions spécifiques dans le plan d’action A21L (voir l’A21L d’ Estran-21). Cinq étapes sont définies ci-dessous.
1. Connaître le paysage du territoire d’intervention : réaliser le diagnostic
Il ne s’agit pas d’un inventaire exhaustif du territoire, ni d’une caractérisation détaillée, mais d’une analyse avant tout branchée sur le terrain. Ce diagnostic peut se réaliser à l’échelle régionale, à l’échelle municipale ou à celle d’un territoire particulier. On peut découper le territoire en «unités de paysage» qui partagent des fonctions et caractéristiques similaires.
Il n’existe pas de méthode unique pour étudier et analyser le paysage. La connaissance du paysage du territoire visé met en évidence :
- les caractères fondamentaux du paysage et leur organisation spatiale ;
- l’évolution des usages et des utilisations du sol ;
- les valeurs attribuées par la population et les divers utilisateurs.
Dans le cas d’une municipalité régionale de comté (MRC), des études réalisées dans le cadre des schémas d’aménagement peuvent servir au dossier paysage (inventaires du cadre bâti et naturel, identification de zones d’intérêt, etc.).
Une diffusion des résultats de cette étape contribuera à mieux faire connaître, auprès de la population, les caractéristiques propres au paysage de leur région.
Le plan de protection du paysage de la MRC de Lotbinière (Québec).
Dans la MRC de Lotbinière, le découpage des paysages de Lotbinière découle du cadre écologique de référence (CER), réalisé par le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec. Cette cartographie a fait l’objet d’une reconnaissance photographique et d’une validation sur le terrain. Consulter le document, l'affiche et le site Internet de la MRC.
2. Définir le projet de paysage : identifier les orientations, les objectifs et les principes
Les objectifs et les orientations du projet de paysage sont spatialisés sur un plan ou carte, le plan de paysage et ce, à l’échelle de l’ensemble du territoire et de chaque entité paysagère. Ce plan peut inclure la définition de vocations souhaitables et ainsi constituer un outil de référence pour les documents d’urbanisme ou d’aide à la décision.
Les principes proposent des règles du jeu pour mieux encadrer les interventions sur le terrain. Dans le cadre de la révision d’un schéma d’aménagement, la définition du projet de paysage peut servir de cadre de discussion et influencer les axes de développement régional afin qu’ils contribuent de manière cohérente au renforcement ou à l’émergence des identités locales.
Le Plan d’implantation et d’intégration architecturale de la municipalité de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs (Québec).
La municipalité de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs (Québec) a mis en place un plan d’urbanisme renouvelé et un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) pour la préservation et la mise en valeur du paysage rural de l’Île Verte.
3. Élaborer le plan d’action : préciser les priorités et les moyens d’intervention
Les priorités et les moyens d’intervention définissent les outils, mesures et instruments à mettre en place pour assurer la protection, la gestion ou l’aménagement du paysage. Il peut s’agir de mesures fiscales, administratives ou financières, de moyens incitatifs, réglementaires, juridiques, consultatifs, informatifs ou de la formulation et de la mise en oeuvre de politiques particulières.
4. Adhérer à la charte du paysage territorial
La démarche devrait conduire à la signature de la charte territoriale par les partenaires. La charte présente :
- les orientations fondatrices du projet de paysage territorial avec le plan de paysage ;
- les principes et règles du jeu qui en découlent pour l’intervention sur le territoire ;
- le programme d’action ;
- le rôle des partenaires et responsables.
Des cartes accompagnent ces textes. En effet, il s’avère primordial de spatialiser de façon particulière les orientations et les moyens d’intervention afin de les concrétiser en rapport avec des lieux spécifiques du territoire. Ces cartes peuvent être thématiques et certaines peuvent cibler des secteurs donnés.
La Charte des paysages naturels et bâtis de la région des Laurentides (Québec).
Les signataires de la Charte des paysages naturels et bâtis des Laurentides de 2004 s’engagent à respecter les principes et à adopter, à leur rythme, des pratiques d’intervention assurant la protection et la mise en valeur des paysages sur leur territoire.
5. Identifier les modalités de suivi de la charte
La réalisation d’un suivi prend tout son sens pour que la charte de paysage soit vivante au sein de la collectivité qui y a adhéré. Une fois l’an au minimum, le suivi de la charte de paysage permet de faire le point sur les interventions réalisées, de réévaluer, si nécessaire, certains axes d’intervention et de juger de la pertinence de l’ajout d’autres signataires.
Comité du patrimoine paysager estrien (Québec)
Le Comité du patrimoine paysager estrien (CPPE) a mis en place une démarche dans les sept MRC de son territoire où la collectivité régionale a été invitée à se concerter sur la valeur du patrimoine paysager local, et ce, par une grande tournée de consultations populaires dans chaque territoire de MRC de la région.
Que retenir ?
Des ingrédients sont essentiels pour assurer la réussite de la protection de la mise en valeur du paysage :
- l’implication des élus de divers paliers qui sont les porteurs de la charte de paysage ;
- la formation et la compétence des personnes impliquées dans la démarche ;
- l’ancrage dans le milieu par l’implication des citoyens dans la démarche.
Comment citer ce texte ?
BELGUE, D. (2007). « La protection et mise en valeur du paysage. Comment un projet de paysage peut devenir une orientation centrale ou secondaire d’un plan d’action ? ». Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://www.demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/9593_fr.html (page consultée le jour mois année).
En complément
L'Élaboration d'un plan d’action A21L
Une démarche québécoise d’A21L
La structure de travail d’un A21L
Le projet de paysage humanisé d'Estran-21
Pour aller plus loin...
CONSEIL DU PAYSAGE QUÉBÉCOIS. (2000). Charte du paysage québécois, Québec, 7 p.
Sites Internet
Les paysage de la MRC de Lotbinière
Comité du patrimoine paysager estrien
Conseil régional de l’environnement des Laurentides
Dernière modification: 19 février 2014