Saint-Isidore-de-Clifton (Écovillage)

 

Saint-Isidore-de-Clifton : un écovillage en devenir!

Résumé
La municipalité de Saint-Isidore-de-Clifton est située dans la région administrative de l’Estrie (05) et dans la municipalité régionale de comté (MRC) du Haut-Saint-François. Elle se trouve à 40 minutes de route à l’est de Sherbrooke, ville centre régionale de 150 000 habitants. La démarche d’écovillage a été lancée par des citoyens, guidés par des valeurs de respect de l’environnement et d’entraide communautaire. Elle poursuit un objectif d’autonomie globale selon une approche inclusive de l’ensemble de ses citoyens.

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Saint-Isidore-de-CliftonQuelques mots à propos de Saint-Isidore-de-Clifton

En 2013, Saint-Isidore-de-Clifton comptait 735 habitants (Gouvernement du Québec, 2013). Malheureusement, le nombre de résidents est à la baisse depuis une vingtaine d’années : la municipalité comptait 807 hab. en 1996. L’activité économique tourne autour de l'exploitation agricole, notamment l’agriculture et acériculture et de l'exploitation forestière, lesquelles connaissent un  déclin depuis 2004. Selon les indicateurs du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMOT), l’indice de vitalité économique, étant de -9,4859, est négatif.

IMG_0898Une part importante des résidents travaillent à l’extérieur du territoire municipalisé, principalement à Sherbrooke. Saint-Isidore-de-Clifton compte encore quelques services de proximité sur son territoire, dont une école primaire, une caisse populaire, une coopérative agricole et un bureau de poste, mais ils connaissent une certaine fragilité. L’isolement géographique du territoire par rapport aux centres urbains, en plus d’offrir des paysages d’une grande beauté, a façonné le caractère débrouillard et autonome de la population et des élus, favorisant, par exemple, la création d’emplois locaux plutôt que de la sous-traitance à l’externe.

JEUX D'EAUMotivations et objectifs initiaux à la base du projet d’écovillage

L’annonce de la fermeture de la seule épicerie du village et la tenue d’une grande consultation publique sur le plan d’action à se donner pour éviter d’autres fermetures font partie des éléments déclencheurs du projet d’écovillage. Les constats énoncés dans le cadre de l’assemblée publique de consultation ont favorisé la naissance d’une volonté de se prendre en main collectivement en mettant à profit les ressources de chacun, et ce, afin de se donner un milieu de vie  agréable et viable. La vision du développement, partagée lors de la consultation, se voulait adaptée à la réalité actuelle et garante d’un avenir meilleur. Le constat de la dégradation de l’environnement de façon générale à la grandeur de la planète et de laSaint-Isidore nécessité de prendre des moyens concrets localement a amené les citoyens de Saint-Isidore-de-Clifton à chercher des solutions pour pouvoir offrir un milieu de vie de qualité aux générations futures.

Parmi les objectifs initiaux poursuivis par le projet d’écovillage, il y avait la volonté d’assurer le maintien d’un environnement sain afin notamment d’attirer de nouvelles familles. Bien que cet objectif demeure bien présent dans l’ensemble des décisions quotidiennes de l’écovillage, le développement et la valorisation de la solidarité villageoise prennent de plus en plus d’importance à mesure que les résidents sont confrontés aux défis de maintenir ses structures en place et bien vivantes.

Implication de l’organisme Saint-Isidore-en-action

Dès le départ, le projet d’écovillage a  été porté par l’organisme Saint-Isidore-de-Clifton en action (SICA). Ce dernier est un organisme sans but lucratif créé en 2003. Il est issu de la volonté de quelques citoyens de mener des actions de développement local afin de libérer l’appareil municipal, dont les activités sont centrées sur la gestion quotidienne.

La démarche de développement mise de l’avant par Saint-Isidore-de-Clifton en action (SICA)

L'approche SICA est une démarche originale visant un développement local de type inclusif (citoyens de tout âge) et intersectoriel (différents organismes locaux). Cette démarche mise sur l’accroissement de l’autonomie des individus, de la créativité et de la solidarité villageoise à la base des principes fondamentaux d’un écovillage. Pour cela, SICA a misé sur une ouverture au monde extérieur (implications et participations locales, régionales et provinciales) afin d’accroître les capacités d’agir des différents acteurs locaux et une réelle complicité avec les élus, impliqués dans un développement plus viable et durable.  De plus en plus, les citoyens prennent conscience de leur pouvoir d’influence et de leur responsabilité quant à l’avenir de leur communauté. SICA a amorcé des changements sociaux importants dans le but d’améliorer la qualité de vie de sa population.

Les membres  du conseil d’administration élargi de SICA ainsi que les élus municipaux intègrent les notions de développement durable lors de la prise de décisions. Ces membres sont des parents de jeunes familles, des retraités ou d’anciens leaders communautaires. Plusieurs conseillers municipaux, et souvent même le maire, se joignent aux membres de SICA lors des réunions afin de discuter ensemble, d’évaluer différents projets en fonction d’un objectif global visant un monde meilleur.

Financement du projet

Il n’y a pas de financement spécifique associé au projet d’écovillage. Le financement des projets vient du Pacte rural ou du Fonds de développement du territoire, en lien avec le plan stratégique.

En 2008, SICA a profité d’une subvention de la Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) du Haut Saint-François afin d’animer et de coordonner des projets de mieux-être collectif. En 2009, à ce mandat d’animation sont ajoutées la coordination des projets issus de la planification locale ainsi que la gestion du budget Pacte rural réservé par la MRC à chaque municipalité. Une ressource à temps partiel a permis à SICA de réaliser plus rapidement de multiples projets. À titre indicatif, 16 projets ont été lancés de 2008 à 2013, le plus grand nombre de projets financés par le Pacte rural parmi les quatorze municipalités de la MRC. De plus, cette ressource de coordination à temps partiel a permis de créer un lien entre le SICA et le conseil municipal. Un élu siège désormais au conseil d’administration de SICA.

 

Source: http://www.st-isidore-clifton.qc.ca/

Source: http://www.st-isidore-clifton.qc.ca/

Structure décisionnelle au sein de l’écovillage

Il n’y a pas de structure fixe et définie à l’écovillage autre que le noyau représenté par les administrateurs et administratrices de l’organisme de développement Saint-Isidore-de-Clifton-en Action (SICA). À ce noyau viennent se greffer d’autres citoyens impliqués (administrateurs substituts) de même que des membres du conseil municipal qui participent régulièrement aux discussions. Le fonctionnement se veut ouvert, créatif et convivial. Des sous-comités temporaires sont créés au besoin.

Liens entre la SICA, les citoyens, les acteurs locaux et les élus

SICA multiplie les implications et les participations locales, régionales et provinciales afin d’accroître les capacités d’agir des différents acteurs locaux et une réelle complicité avec les élus qui s’impliquent dans le développement. Des élus de d’autres municipalités inspirantes et des intervenants régionaux ont d’ailleurs été invités à venir présenter leur vision et leur démarche afin d’échanger sur les modèles de développement et les défis et opportunités qu’ils offrent.

Pour la SICA, le développement local passe par une augmentation des connaissances et compétences en vue d’accroître la capacité d’agir des acteurs locaux. C’est ainsi que SICA délègue des élus, la direction municipale, des citoyens ou sa coordonnatrice pour une représentation de l’organisme dans des espaces permettant des transferts de connaissances. Ainsi, après avoir vécu l’Université rurale québécoise (URQ) en Gaspésie (2011), la Soirée de consultation nationale de Solidarité rurale du Québec (2012), la semaine sociale du Centre affilié universitaire de l’Estrie (septembre 2012), SICA a pris une part active dans les ateliers « Mobilisation dans le Haut-Saint-François » et « Ressources naturelles » de l’URQ-Estrie (2013).

Déroulement de la démarche

Aucun échéancier précis n’a été fixé pour la démarche d’écovillage menée dans la communauté : c’est la démarche en elle-même qui est importante et elle ne sera jamais vraiment complétée. Par contre, des objectifs de réalisation de projets sont identifiés chaque année dans le cadre de la révision du plan d’action annuel de SICA  toujours en lien avec le plan de développement de la municipalité.

Diagnostic territorial

Des diagnostics territoriaux  ont été réalisés au fil des ans, que ce soit lors de la démarche Inode Estrie en vue d’attirer de nouvelles familles ou via notre participation à la Démarche globale et intégrée (DGI), entreprise par différents acteurs de la MRC. Les constats des forces et des faiblesses, de même que des menaces et des opportunités, nous ont permis de mieux orienter l’action. La plupart du temps, chaque constat présente un aspect positif et négatif; l’analyse qui en découle dépend en grande partie de l’attitude adoptée face à ces différents constats. Par exemple, l’isolement du village en marge des routes principales peut être interprété comme une menace nuisant à l’achalandage de ses commerces, mais aussi comme une opportunité de tranquillité pour les piétons et pour les visiteurs. Ces derniers peuvent ainsi apprécier la qualité de vie qu’on retrouve dans le village.

Plan de développement annuel

Depuis 2009, SICA, de concert avec le conseil municipal, a élaboré un plan de développement, mis à jour annuellement, selon une analyse des besoins réalisés lors de consultations publiques ou à la suite de réflexions en comités. Ce plan est publié chaque année dans le bulletin municipal L’Envol. Grâce à la vision de SICA, la municipalité a développé certaines initiatives, telles que la distribution de composteurs domestiques et l’installation de compteurs d’eau. Une démarche globale de développement est en route afin de réaliser l’objectif de devenir un écovillage.

Consultations citoyennes

BRUNCH 2012Une des premières actions de SICA a été de faire des assemblées de cuisine permettant une participation des citoyens à la définition de leur avenir. Une équipe de citoyens rencontrait d’autres citoyens chez eux, dans chaque secteur de la municipalité,  afin de comprendre leur vision de développement de la communauté. Ces visions citoyennes furent colligées et résumées en l’objectif suivant : Faire de Saint-Isidore-de-Clifton un écovillage misant sur son autonomie, sa créativité et son dynamisme. D’autres assemblées publiques de consultation ont aussi eu lieu afin de valider la démarche et prioriser certains projets.

Durant les années 2011-2012, SICA s’est intéressé aux jeunes du village par la tenue d’une consultation auprès d’eux afin de connaître leurs besoins et de canaliser leur énergie vers des réalisations ayant un impact positif sur la communauté. SICA a incité les jeunes à former un Comité consultatif en changement jeunesse pour élaborer un plan d’action basé sur les mêmes indices que ceux du plan de développement municipal. Ce plan  suggère plusieurs initiatives qui répondent spécifiquement aux besoins des jeunes sans que ces derniers aient oublié la population en général (les plus jeunes qu’eux et les aînés). Ces jeunes l’ont présenté au conseil municipal qui l’a intégré dans son propre plan.

École des Trois cantons, une école saine et en action!En 2013, souhaitant attirer des jeunes familles, SICA entreprend la démarche Inode Estrie et priorise son école primaire en s’engageant dans une concertation pour le développement d’un programme attractif : Une école en santé et en action. Dans cette démarche, SICA, la municipalité et les organismes communautaires ont formulé des ententes de partage de locaux et de maximisation des infrastructures. Plusieurs groupes d’adultes y trouvent leur compte lors des ateliers des cuisines collectives introduits par SICA pour répondre à des besoins exprimés.  On projette, par ailleurs, de faire intervenir des aînés qui pourront apprendre aux jeunes leurs secrets de cuisine, stimulant ainsi des activités intergénérationnelles.

Stratégies de communication

C’est principalement le bulletin municipal L’Envol qui est utilisé pour communiquer avec les citoyens puisqu’il rejoint l’ensemble des foyers de la municipalité. Des envois non adressés sont aussi utilisés à l’occasion lorsqu’il faut communiquer rapidement.

Suivi

Source: http://www.oecdbetterlifeindex.org

Source: http://www.oecdbetterlifeindex.org

Le suivi de la démarche est assuré par les membres administrateurs de SICA lors de ses réunions, de même que les membres de la communauté lors des assemblées générales annuelles de l’organisme.

Depuis janvier 2014, SICA, en étroite collaboration avec le conseil municipal, s’investit dans une nouvelle démarche visant à mieux structurer l’organisation du développement local. Sur la base des douze indicateurs de la qualité de vie des populations mises de l’avant par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) et par le ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT), une équipe d’élus et de citoyens redéfinissent les objectifs de développement afin d’aller plus loin dans la démarche globale et intégrée entreprise depuis 2003 afin de faire de St-Isidore-de-Clifton un écovillage reconnu à travers la province. Pour ce, plusieurs actions ont été menées ou sont déjà en marche.

Actions mises en place

  • Une des premières actions de la démarche a été d’appuyer le conseil municipal dans son projet de traitement des eaux usées du village par l’organisation d’une grande manifestation auprès du député provincial de l’époque et responsable du dossier afin d’obtenir les subventions disponibles et requises à la construction des infrastructures de traitement.
  • La création d’un Centre d’art contemporain environnemental, par un artiste local, M. Normand Gladu, a aussi été appuyée et parrainée.Camping vert (2004-2006)
  • Des projets comme le Camping vert (2004-2006), le Marché des amis de la Terre (2008-2010) et L’étude sur un modèle innovateur d’occupation des terres agricoles (2011) ont vu le jour.
  • Suite à plusieurs rencontres, les jeunes ont présenté et déposé une demande écrite au conseil municipal afin d’obtenir des locaux pour y établir une Maison des jeunes. Le conseil municipal a accepté de s’engager dans un processus qui permet de libérer des locaux pour y installer une Maison des jeunes offrant des activités pour les 12-17 ans, en déménageant et bonifiant la bibliothèque municipale dans une partie désaffectée de l’école.
  • En novembre 2012, afin de développer une complémentarité ruraux-urbains et de mettre fin aux préjugés, SICA parraine le projet « Échangeons nos traditions », un jumelage entre la Maison des jeunes de Saint-Isidore-de-Clifton et une Maison des jeunes de Sherbrooke, regroupant de nombreux immigrants.  Ce projet, subventionné par le Forum Jeunesse Estrie, permettra pendant un an, d’une part aux jeunes urbains d’avoir une autre vision du monde rural et peut-être de vouloir s’y établir, et d’autre part aux jeunes de Saint-Isidore-de-Clifton de s’ouvrir à des cultures différentes.

Maison des jeunes

Résultats

Les principaux bénéfices de la démarche résident dans la démarche elle-même. En effet, celle-ci permet une mobilisation et une prise en charge citoyenne qui alimentent la volonté d’agir, nourrie par le sentiment d’avoir un certain pouvoir sur l’avenir de la communauté et sur la couleur que celle-ci aura dans le futur. Elle favorise aussi le dialogue créatif et stimulant entre les individus de la communauté, ce qui renforce les liens entre eux.

La sensibilisation de la population locale par rapport au respect et à la préservation des ressources naturelles locales, de même qu’en ce qui a trait aux talents et aux forces de chacun, font aussi partie des bénéfices obtenus tout au long de la démarche d’écovillage.

Difficultés rencontrées

Certains projets mis de l’avant n’ont pas obtenu une réponse satisfaisante de l’ensemble de la communauté, soit parce qu’ils ne répondaient pas bien aux besoins réels de la population ou qu’ils ne présentaient pas suffisamment d’avantages pour éveiller l’intérêt de la majorité des citoyens. Par exemple, il n’a pas été possible de maintenir le Marché de solidarité mis en place compte tenu du grand nombre d’heures d’ouverture requises pour répondre à la réalité de chacun, et ce, sans épuiser les bénévoles responsables de l’accueil.

Leçons et défi

La force d’une communauté est constituée des talents de chaque personne qui la compose. Il faut s’affairer à découvrir ces talents, les mettre en évidence et les reconnaître à leur juste valeur.

Le principal défi est de demeurer dans l’action et dans la recherche de solutions afin de ne pas sombrer dans le défaitisme et dans la résignation face aux réalités vécues par les communautés rurales éloignées des grands centres.

En complément

Document Saint-Isidore-de-Clifton, un village à notre image!

Site Internet de Saint-Isidore-de-Clifton

 

Comment citer ce texte ?

SAINT-PIERRE, D. et POULIOT, M.-S. (2017). « Saint-Isidore-de-Clifton : un écovillage en devenir! » Dans GAGNON, C. (éditrice). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne] http://demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/saint-isidore-de-clifton-ecovillage/ (page consultée le jour mois année).

Dernière modification: 12 avril 2017