Transition énergétique

 

Les villes dans la transition énergétique au tournant du 21ième siècle

Résumé

Le texte montre comment la sortie des énergies fossiles est devenue récemment un horizon d’action politique locale, dans le prolongement des plans Climat qui sont une des facettes du développement urbain durable. L’analyse de quatre cas d’étude en Suède et en Allemagne permet de mettre en évidence le poids des orientations nationales dans cette transition énergétique ainsi que des lignes de divergence dans les trajectoires de sortie des énergies fossiles.

Les politiques urbaines de limitation des gaz à effet de serre sont précoces : elles font partie des premières initiatives de développement durable, au début des années 1990, et elles en deviendront une figure majeure. Des plans locaux Climat apparaissent dès 1995, notamment dans le contexte germanique et sous l'égide d'ICLEI. Ailleurs, les plans Climat sont plutôt postérieurs aux Agendas 21 locaux ; ils connaissent un essor après l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, soit dans la deuxième moitié des années 2000. L'actualité de la question climatique et énergétique et, avec elle, la hausse et la volatilité des prix, la dépendance énergétique, l’horizon du pic pétrolier, les évènements climatiques extrêmes ont permis de passer un nouveau cap, et dessinent depuis quelques années l'horizon d'une transition énergétique.

Ce processus est porté en particulier par certaines villes (voir encadrés) et appuyé par les institutions, notamment européennes. La sortie des énergies fossiles est désignée par le terme de société bas carbone ou post-carbone. Dans ce sillage, le vocable de transition socioécologique connaît un certain succès et commence à se substituer à celui de développement durable, dans le domaine de l'activisme environnemental, des politiques publiques ou de la recherche. La transition socioécologique élargit l'ambition et l'assise de la transition énergétique : elle désigne un processus de transformation économique et sociale qui conduirait à respecter les ressources terrestres en partageant équitablement celles qui peuvent être utilisées.

Chocs pétroliers à l’origine de la transition énergétique

En dépit des difficultés que rencontrent les collectivités territoriales, le processus de transition énergétique n'est pas à proprement parler inédit. Suite aux chocs pétroliers des années 1970, un décollage des énergies renouvelables s’était déjà opéré aux États-Unis. Il s'agissait alors de réduire les importations d’énergie, devenues trop chères. L’institut pour l’autosuffisance locale, fondé par David Morris, a développé une réflexion originale sur les impacts des choix énergétiques sur le développement local et l’emploi. Pour un dollar dépensé dans le pétrole, ses calculs montrent que 85% ne bénéficient pas à l’économie locale... Il est alors question  de « fuites » économiques. À l'inverse, les dépenses en faveur des énergies renouvelables irriguent l'économie territoriale: la production énergétique locale, l'installation et la maintenance des équipements décentralisés créent de l'emploi.

De multiples initiatives, telles que les ordonnances solaires adoptées par certaines villes californiennes, permettent de développer à cette époque le solaire, la cogénération, le bois énergie, la micro-hydraulique, la géothermie, la récupération du méthane des décharges... La production de méthane a été expérimentée à partir de bouse de vache, la production d’éthanol à partir des déchets et du bois, ainsi que la gazéification du lignite, dans le Vermont, très peu onéreuse... L'ouvrage de David Morris, « Self-reliant Cities. Energy and the Transformation of Urban America » (1982), offre une excellente synthèse de cette transition énergétique avortée et des efforts déployés par les innovateurs locaux pour trouver des solutions parfois peu coûteuses.

Toutefois, le processus d’autonomisation énergétique amorcé par les territoires s'est heurté aux grands producteurs d’énergie. De nombreuses entreprises états-uniennes fournisseuses d’énergie solaire ont été arrêtées, rachetées et fermées par les grands groupes énergétiques (Scheer, 1997). Le développement de la cogénération (production simultanée de chaleur et d'électricité) a été bloqué par les monopoles. L’ère Reagan a gelé un grand nombre d’initiatives qui vont connaître un second essor et une nouvelle légitimité à partir de la conférence de Rio en 1992. Cet essor est resté timide et concerne beaucoup plus l’échelle locale et celle des États fédérés que le gouvernement fédéral, lié aux lobbies pétroliers.

Du côté des villes européennes, elles se mobilisent sur la question des énergies renouvelables avec un décalage d’une vingtaine d’années par rapport aux villes états-uniennes, explique Hermann Scheer. Les chocs pétroliers n'ont conduit qu'à des efforts de maîtrise énergétique pour éviter la trop grande dépense. C’est sous le coup de la catastrophe de Tchernobyl, en Allemagne, et des inquiétudes climatiques que s’inventent à nouveau des voies de sortie des énergies fossiles à l’échelle locale, dans les années 1990. Les villes sont encore très peu nombreuses à s’intéresser à cette perspective, mais elles ouvrent la voie d'une transition bas carbone (études de cas).

Des réseaux de ville en position d'éclaireurs

On doit plus précisément cette prise d'initiative à l'action de réseaux de villes, qui se structurent au lendemain de la parution du premier rapport du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), en 1990 : le Conseil International des Initiatives Environnementales Locales -ICLEI- (Toronto), et en Europe, l'Alliance Climat (Frankfort) et Energie-Cités (Besançon). Ces associations transnationales et environnementalistes inscrivent la question du climat sur l'agenda politique local, en gagnant l'appui d'institutions internationales comme le PNUE et la DG XI (Délégation Générale à l'environnement, la sécurité nucléaire et la protection civile) de  la Commission européenne. Une poignée de scientifiques et d'environnementalistes, au sein des administrations municipales, en relais et en lien avec ces associations, parviennent à convaincre les premières municipalités de s'engager dans la "bataille du climat". Puis les réseaux s'élargissent à quelques centaines de villes membres.

L’International Council for Local and Environmental Initiatives (ICLEI), rebaptisé par la suite Cités et Gouvernements locaux unis, met au point les premiers "plans de réduction du CO2 urbain", à partir de 1991, en entraînant 13 Villes volontaires : Le Comté de Dade à Miami (Floride), Denver (Colorado), Minneapolis-Saint-Paul (Minnesota), Portland (Oregon), San Jose (Californie), Ville de Toronto, Métropole de Toronto, Bologne, Copenhague, Hanovre, Helsinki, Sarrebruck, Ankara. Les émissions de CO2 sont comptabilisées à partir de trois postes territoriaux, soit le chauffage, l’électricité et les transports, sans prendre en compte les émissions dues aux consommations indirectes d’énergie (énergie incorporée dans les biens de consommation ou d'équipement), qui, pour donner un ordre de grandeur, représentent environ la moitié du total des émissions. C’est une limite importante des plans Climat, mais il est difficile d'assigner à des territoires spécifiques les émissions liées aux consommations indirectes d'énergie.

Energie-Cités, de son côté, en opposition à la politique nucléaire française, propose aux collectivités locales de "reprendre en main leur avenir énergétique" par les économies d'énergie, le développement des énergies renouvelables et l'essor d'une politique énergétique. L'Alliance Climat, basée à Frankfort, née de la lutte contre la déforestation en Amazonie par le boycott des bois tropicaux, a rejoint rapidement la bataille du climat dans une perspective de justice environnementale. Cette association accompagne les villes européennes dans leurs politiques de réduction des gaz à effet de serre, tout comme l’ICLEI.

Pour ces associations au profil militant, regroupant des collectivités locales, comme pour les environnementalistes en poste dans les institutions qui les appuient, les villes peuvent faire pression sur de nombreux acteurs socioéconomiques ainsi que sur d'autres niveaux de pouvoir ; elles constituent une fenêtre d'action politique dans une période où les lobbies économiques bloquent les actions nationales et internationales de transition énergétique : secteurs pétroliers, sidérurgiques, automobiles, chimiques et pétrochimiques, nucléaire... (Bulkeley, Newell, 2010).

La "campagne des villes pour la protection du Climat" lancée par l’ICLEI, en 1993, cherche à élargir le nombre de villes impliquées dans des actions de réduction du CO2 (première cible des plans Climat) et à définir des termes de référence communs en termes de méthodes de calcul des émissions, d'outils et de stratégies ou d'évaluation des résultats. Mais son impact sur les émissions de gaz à effet de serre reste modeste jusqu’à aujourd’hui.

La politique de l'Union européenne : un rôle clé dans la transition énergétique des villes ?

L'efficacité des réseaux de villes serait restée très limitée en l'absence de partenariats avec des institutions dotées de fonds et de légitimité. Dans un double contexte de mondialisation et de construction européenne, les villes cherchent à exister sur des scènes internationales. Sur le sol européen, elles adhèrent volontiers aux dispositifs et programmes proposés par la Commission européenne. Or, dans la décennie 1990, l'Union européenne définit une véritable politique énergétique impliquant les villes, en accord avec son positionnement dans les négociations climatiques.

L’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables sont encouragés à travers une succession de financements croissants et de programmes en direction des collectivités locales:

  • JOULE (1989);
  • THERMIE (1990);
  • SAVE (1991);
  • ALTENER (1992);
  • STEER (2003);
  • CONCERTO (2004).

Le programme SAVE a par exemple permis la mise en place de 400 agences locales ou régionales de l’énergie qui jouent un rôle d’appui souvent décisif pour l'élaboration de plans climat locaux. Les programmes européens ont pour principe d’associer des villes dites pionnières et d’autres moins avancées, afin de favoriser les échanges d’expérience. C’est ainsi que Grenoble et Nantes, associées dans le cadre de programmes Concerto à Växjö et Hanovre, ont pris une certaine avance en France pour les politiques énergie-climat.

En outre, différentes campagnes européennes appuient, dans les années 2000, des projets concrets :

  • Campagne pour le décollage des énergies renouvelables en 2000-2003 ;
  • Campagne Énergie durable pour l’Europe, à partir de 2005, qui promeut les initiatives pionnières et la mise en réseau des acteurs ;
  • Campagne de sensibilisation au changement climatique, en 2006.

Les deux dernières font partie du programme « Énergie intelligente pour l’Europe », qui s'étend de 2003 à 2013.

En 2010, l'Union européenne adopte la stratégie « Europe 2020 », qui appelle à un recentrement des politiques et des efforts sur trois défis :

  • la globalisation et la pression économique ;
  • le vieillissement ;
  • le changement climatique et la pression sur les ressources.

Selon ce document, le déclin de l’Europe pourrait être évité en retrouvant des capacités de relance économique, basées sur une « économie de la connaissance, bas carbone et inclusive ». La « feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 », confirme cette orientation un an plus tard (Commission européenne, 2011).

La Commission européenne (DG XI) est devenue le principal partenaire d'ICLEI, de l'Alliance Climat et d'Energie-Cités. L'alliance entre les collectivités locales et la Commission européenne trouve un aboutissement dans la Convention des Maires en 2008. Ce réseau réunit plus de 5 000 collectivités territoriales, qui s'engagent à atteindre les objectifs européens, c'est-à-dire les "3x20", un défi extrêmement difficile pour les villes :

  1. une réduction de 20% des émissions de CO2,
  2. une proportion de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie,
  3. et des économies d’énergie de 20%, entre 1990 et 2020.

Celles qui ne montrent pas d'avancées suffisantes à échéance de deux ans sont potentiellement exclues de la Convention, ce qui a obligé et oblige les villes à définir une politique énergie-climat relativement opérationnelle.

Ces objectifs sont pris au sérieux dans la mesure où les villes ont toute latitude quant aux moyens d'action. Beaucoup veulent participer à ce mouvement européen, tiré par quelques locomotives (études de cas notamment), tout en doutant de leur capacité à atteindre ces objectifs. Les villes veulent s'européaniser ou être visibles sur la scène mondiale, tandis que les environnementalistes cherchent à ouvrir de nouvelles voies de développement : la transition énergétique est alors davantage comprise comme une transition socioécologique.

Une gouvernance multiscalaire du climat, du local au mondial, voit ainsi très lentement le jour, notamment par l’action des réseaux de villes dédiés à la durabilité. La gouvernance du climat peut être définie comme l'irruption d'une multiplicité d'acteurs et de sphères d'autorité pour gouverner le climat, bien au-delà des arènes internationales (Bulkeley, Newell, 2010). Les réseaux municipaux transnationaux et les villes s'imposent comme une de ces sphères. Une gouvernance multiscalaire du climat supposerait la mise en cohérence et la coordination non hiérarchique des actions en faveur du climat à tous les échelons et à l'intérieur de chacun d'eux, en vue d’atténuer les changements climatiques qui affectent particulièrement les populations les plus vulnérables à l’échelle planétaire (Roberts, Parks, 2007) et de limiter les risques climatiques majeurs.

Des terreaux porteurs

Les politiques climatiques locales se développent souvent sur le terreau de préoccupations plus anciennes pour les questions énergétiques : l'opposition à l'énergie nucléaire, la persistance de productions d’énergies renouvelables, les économies d'énergie suite aux chocs pétroliers ou la sécurisation de l'approvisionnement énergétique, selon les contextes.

Dans les pays anglo-saxons, la quête d'indépendance énergétique prédomine, tandis que le rejet du nucléaire anime les villes germaniques. Réduire les émissions de gaz à effet de serre, faire face au pic pétrolier, sortir du nucléaire et valoriser les ressources propres des territoires sont des objectifs qui tendent à s'imbriquer (mais pas toujours), avec des pondérations variables selon les contextes géographiques et l'historicité des politiques énergétiques.

On peut observer ainsi que les territoires d’opposition au nucléaire qui ont développé une culture énergétique dans les années 1970 ou 1980 font figure de pionniers dans la transition "post-carbone", comme Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) ou le Pays de Haute-Mayenne en France. D'autres facteurs peuvent être à l'origine de cette culture énergétique locale: par exemple, le développement et la municipalisation de la houille blanche (énergie produite par des chutes d’eau) dans les années 1920 à Grenoble. Ces relations d’historicité montrent bien un des liens entre le social et l’environnement, à travers des revendications de l’énergie comme bien commun territorialisé.

Plus largement, l'existence d'opérateurs énergétiques locaux, comme en Allemagne et en Suède, explique souvent la prise d'initiative des villes en matière de politiques énergie-climat (Collier, Löfstedt, 1997). Les collectivités qui en sont dépourvues et souhaitent engager une transition énergétique, comme Apeldoorn (Pays-Bas) ou Bristol (Royaume-Uni), tentent de créer des entreprises énergétiques locales. En France, Grenoble a été la première ville à adopter un plan Climat, et c'est une des rares à disposer de fournisseurs locaux d'énergie. Les compagnies d’énergie jouent un rôle déterminant pour freiner ou au contraire appuyer ou impulser une transition énergétique, comme ce fut le cas à Växjö (Suède) avec le passage du pétrole au bois au début des années 1980. Les stadtwerke allemandes sont également un outil majeur de la transition énergétique. Dans les contextes où l’énergie est centralisée, les marges de manœuvre des collectivités locales sont beaucoup plus réduites.

Des Agendas 21 locaux (A21L) aux plans Climat locaux

Il existe aussi des liens généalogiques entre les différentes politiques et phases de développement durable (DD), en particulier entre les plans Climat et les A21L qui sont en théorie des plans locaux d’action de DD. C'est souvent au sein de l'A21L que des groupes de travail se sont constitués sur la question du changement climatique. À Växjö (Suède) par exemple, l’idée de sortie des énergies fossiles a été formulée par la Société suédoise de conservation de la nature au sein du forum de l’A21L. Relayée par les élus locaux, elle a conduit au premier programme local de sortie des énergies fossiles à l'horizon 2050. C'était en 1996. Un peu plus tard se formait un réseau de villes suédoises animées par le même objectif.

Dans le sud de l'Europe, on observe aussi des filiations entre A21L et plans Climat locaux. Dans la province de Bologne (Italie), l’idée d’un micro Protocole de Kyoto a vu le jour dans le forum de discussion de l’A21L. À partir de 2002, la province soutenait toutes les communes qui souhaitaient ratifier le micro Kyoto et réduire leurs émissions. La province de Barcelone a monté de son côté un programme pour inciter les communes à élaborer des plans Énergie Climat et à adhérer à la Convention des Maires, après le succès de son programme d'appui aux A21L, qui a démarré en 1993 et se poursuit auprès des communes les plus rurales.

En France, les plans Climat territoriaux sont devenus obligatoires pour les villes ou agglomérations de plus de 50 000 habitants, en vertu de la Loi Grenelle 2 (2011), et tendent à éclipser les A21L. Les démarches sont encore tâtonnantes et mettent en exergue la difficulté de réduire de manière significative les émissions de CO2. Les producteurs d'énergie étant largement monopolistiques, les villes françaises n'ont pas la main sur la production ou la distribution d'énergie. Elles agissent donc sur les économies d'énergie, à travers l'isolation thermique de l'habitat, la densification, l'extension des transports en commun, ce qui ne suffit pas pour envisager un processus de transition énergétique.

Le débat national, conduit au cours de l'année 2013 sur le thème de la transition énergétique, préparatoire à une loi de programmation sur la transition énergétique, a reconduit les éternels blocages quant aux possibilités de décentraliser la distribution et la production d'énergie, laquelle permettrait un changement d'échelle dans la production d'énergies renouvelables. Il en ressort un ensemble de mesures de petite envergure, notamment réglementaires, qui ne sont pas de nature à se rapprocher de l'objectif européen et français du Facteur 4, c’est-à-dire la division par 4 des émissions de CO2 d'ici 2050 à l’échelle nationale et européenne.

Quelles voies pour la transition énergétique ?

En vertu de cette historicité et des contextes énergétiques nationaux ou fédéraux, la transition énergétique prend des visages assez contrastés d'une ville à une autre. D'autant que les voies de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne sont pas consensuelles.

Au niveau européen, plusieurs trajectoires peuvent être identifiées. En premier lieu, la transition vers la bioénergie, dans les villes suédoises, avec un recours important aux biocarburants; puis, la décentralisation énergétique reposant à la fois sur les énergies renouvelables, la petite cogénération et une recherche de sobriété énergétique urbaine, en Allemagne. Dans d’autres contextes géographiques caractérisés par une ressource forestière importante, comme en Autriche ou en Estonie, les politiques climatiques locales mises également en partie sur la biomasse.

Il existe au moins deux autres voies de sortie des énergies fossiles carbonées, mais qui ne relèvent pas de choix municipaux : 1) la voie nucléaire et du tout-électrique, dont il est difficile de sortir en France, et 2) à l’opposé en termes de puissance énergétique et de décentralisation, la décroissance. Cette voie alternative caractérise certains regroupements d'habitants, écovillages ou mouvements comme celui des « villes en transition », parti de Totness, mais n’a pas été véritablement empruntée par une ville entière.

Ces orientations reflètent à la fois l'état des ressources nationales ou locales, la structuration des producteurs d’énergie, et des visions politiques divergentes d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. Les études de cas présentées ci-dessous (Emelianoff C., 2010. Stratégies locales de sortie des énergies fossiles : exemple de 4 villes européennes, Växjö, Stockholm, Fribourg et Hanovre, Liaison Energie-Francophonie, n° 86 : « Energies et territoires, ou comment construire les territoires de demain face à la nouvelle donne climatique et énergétique ? », p 87-91.) illustrent une partie de ces différences et divergences. Elles ouvrent des pistes et des horizons, posent des questions, mais sont bien sûr insuffisantes pour s’engager collectivement dans une transition bas carbone.

La transition vers la bioénergie - deux études de cas

Le programme "Växjö, ville sans énergie fossile 2050"

Växjö est une ville moyenne de 79 000 habitants, située au sud-est de la Suède. La compagnie municipale d’énergie est la première du pays à développer l’énergie bois, au lendemain des chocs pétroliers. La forêt environnante est une ressource bien moins onéreuse que le pétrole. En 1991, la taxe carbone instaurée par le gouvernement suédois renforce cette orientation. De la biomasse à la sortie des énergies fossiles, il n’y a qu’un pas, néanmoins difficile à franchir. Mais le contexte politique local est porteur. Les mobilisations contre l’eutrophisation des lacs de la ville, dans les années 1970, ont forgé une vraie conscience environnementale. Les Verts sont alliés aux sociaux-démocrates qui dirigent la ville depuis 1994, et le leader de l’opposition est un environnementaliste convaincu, qui devient maire en 2006. Une stratégie de sortie des énergies fossiles est adoptée au terme de nombreux débats, en 1996, à l’unanimité du conseil municipal.

Plusieurs objectifs d’étape sont définis, notamment la division par deux des émissions de CO2 d’ici 2010. L’électricité étant déjà décarbonée (hydraulique et nucléaire), la municipalité mise sur la conversion du chauffage à la biomasse. Grâce à l’appui de financements européens, la nouvelle centrale en cogénération entre en fonction en 1997, alimentée par des déchets bois collectés dans un rayon de 100 kilomètres. Quatre petites centrales au bois desservent les districts les plus périphériques. Des subventions sont accordées aux particuliers qui se raccordent au réseau de chaleur, installent des chaudières au bois ou des panneaux solaires. 76% des logements sont ainsi raccordés, ce qui divise par quatre les émissions de CO2 dues au chauffage. Les émissions totales de CO2, qui étaient de 4,6 tonnes par habitant en 1993 sont réduites de 32% (3,12 tonnes par habitant en 2007). Les transports émettent désormais 80% des émissions de CO2, soit 2,4 tonnes par habitant.

Une réorientation politique s’impose. L’automobile assure à Växjö 61% des déplacements, le bus 8% et le vélo 18%. Développer la fréquence et le réseau de bus trouve des limites économiques dans une ville moyenne, dont la morphologie s’étire de surcroît entre des lacs. Deux axes de travail sont alors définis. Il s’agit d’abord d’augmenter la vitesse des transports en commun et du vélo en abaissant celle de la voiture, par la priorité donnée aux carrefours aux modes propres, par des zones 30, des ralentisseurs sur la voirie et des ronds points. Ce qui fait également partie d’une politique environnementale et de qualité de vie ambitieuse. Le stationnement devient aussi très dissuasif, sauf pour les véhicules au biocarburant. Le deuxième axe de travail porte en effet sur la promotion des véhicules au biocarburant, en partenariat avec Volvo, installé sur le territoire. Durant quelques années, des subventions sont accordées aux particuliers pour l’achat de ces véhicules, qui constituent aujourd’hui plus de la moitié des ventes à Växjö (40% à Stockholm). Le Centre sur la Bioénergie de l’Université de Växjö appuie parallèlement la recherche-développement sur les biocarburants de seconde génération.

 

Cliquez ici pour plus d'actualités sur le projet de transition énergétique à Växjö.

 

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L’approche de Stockholm

La stratégie mise en œuvre à Stockholm, une ville de 800 000 habitants, est structurée par la même ligne directrice : la conversion du réseau de chaleur urbain et des transports à la bioénergie. La capitale suédoise a une longue histoire environnementale à son actif. Sa politique est caractérisée par une démarche multi-partenariale, qui fait levier sur les acteurs du marché.

Un premier plan Climat est adopté en 1996 pour diminuer de 20% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2005. Le CO2, le méthane et le dioxyde d’azote sont comptabilisés. La force de la démarche a été de chiffrer précisément les réductions d’émissions liées à chaque type de mesure. La ville a pu ainsi hiérarchiser clairement les actions. Les émissions seront réduites de 26% à l’échéance fixée, ce qui permet d’engager une stratégie de sortie des énergies fossiles. Stockholm s’appuie fortement sur ses compagnies d’énergie et de transports en commun, qui vont adopter à leur tour un objectif de sortie des énergies fossiles à l’horizon 2025-2030. L’entreprise en charge du réseau de chaleur est vendue en 2001 à un groupe finlandais, mais la municipalité en reste actionnaire. Cette vente finance la politique climatique et la dépollution des sols pour des opérations d’urbanisme. Avec les aides de l’État, des dizaines de millions d’euros sont investis dans le plan Climat.

Dès lors que le réseau de chaleur s’étend, la transition vers la biomasse est rentable pour la compagnie d’énergie. Le réseau de chaleur dessert 72% des logements de la ville et est alimenté en 2009 par un peu de charbon (13%) et une vingtaine de biocombustibles (75%) : déchets bois, déchets des industries agro-alimentaires et cosmétiques, agro fuels, à parts égales. La conversion de la centrale au charbon devrait permettre de mettre fin aux énergies fossiles.

L’entreprise publique de transport en commun a également bien progressé dans la voie des énergies renouvelables, qui assurent 75% des kilomètres passagers dans le Comté de Stockholm (1,8 million d’habitants). Les métros, les tramways et les trains fonctionnent avec une électricité verte depuis 2007 (hydraulique et éolienne). Le réseau de bus est alimenté à 30% par des biocarburants (biodiesel et biogaz) et doit l’être en totalité d’ici 2025. Il existe en effet des obstacles à une sortie rapide des énergies fossiles, comme le financement de nouveaux bus et l’offre limitée de biogaz.

Les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports ont diminué de 23% depuis 1990. La part modale du transport en commun en heure de pointe est de 76% dans le Comté de Stockholm, mais les déplacements en voiture assurent 65% des kilomètres parcourus en 2006. Les voitures sont en bonne partie utilisées pour les loisirs et les week-ends, vers les fjords. La municipalité appuie donc, en partenariat les constructeurs automobiles, la vente de véhicules au biocarburant, exemptés de péage urbain jusqu’en 2012. Voitures, taxis, bus, véhicules utilitaires, camions de ramassage des ordures sont progressivement convertis à l’éthanol ou au biodiesel.

 

Émissions de GES en valeur relative et absolue par habitant 1990 2005
Chauffage 55,8%  (2,9 t) 45%     (1,8 t)
Transport 30,8%  (1,6 t) 32,5%  (1,3 t)
Électricité 17,3%  (0,9 t) 22,5%  (0,9 t)
Total 5,2 tonnes 4 tonnes

 

Source : D’après Stockholm, Application for European Green Capital Award, 2008, Municipality of Stockholm.

 

Le retour des conservateurs libéraux au pouvoir en 2006 infléchit les orientations du plan Climat, recentré sur les économies d’énergie et la création d’emplois. Le « Pacte Climat » incite 70 entreprises volontaires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les consommations énergétiques du patrimoine municipal baissent de 10% en trois ans. Mais surtout, la réhabilitation thermique du parc public de logements (un tiers du parc total), situé en périphérie, est programmée. 150 millions d’euros annuels y seront consacrés de 2010 à 2014, pour parvenir à une réduction de 15% des consommations énergétiques.

L’urbanisme est d’autre part orienté vers le redéveloppement de la ville sur elle-même, le foncier étant en grande partie aux mains de la municipalité. Cinq projets urbains le long de la future ligne circulaire de VAL vont permettre une densification de la première couronne, à partir de friches industrielles et portuaires. Le premier quartier, Hammarby Sjöstad (10 800 logements), en grande partie construit, est connu pour son ambition d’atteindre un facteur 2 dans l’utilisation des ressources naturelles. Les promoteurs sont restés réticents et les performances thermiques n’ont pas été tenues. La seconde grande opération, Royal Seaport, prévoit 10 000 logements et 30 000 espaces de travail. Tandis qu’on organise le déménagement des activités de stockage des hydrocarbures sur le site, l’idée est de construire un quartier libéré des énergies fossiles en 2030.

 

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Hammarby Sjöstad : Quartier durable de Stockholm

L’approche des villes suédoises est donc centrée sur la bioénergie. La forte baisse des émissions à Stockholm et Växjö vient d’une part des économies d’échelle dues à l’extension des réseaux de chaleur et de transports en commun, d’autre part de la transition vers la bioénergie. L’or vert se substitue à l’or noir…

Décentralisation et efficience énergétiques - Deux études de cas

Les approches allemandes misent bien plus sur la décentralisation énergétique et la production énergétique locale que sur les économies d’échelle. Elles ont donc besoin de réduire avant tout leurs besoins énergétiques et utilisent l’urbanisme et l’éco-construction à cet effet. Plusieurs raisons expliquent cette divergence, mais nous soulignerons ici l’importance des mobilisations environnementales des années 1960-70. Les villes allemandes les plus ambitieuses en matière de protection du Climat sont celles où les mobilisations anti-nucléaires ont été les plus vives. Trente ans après, ces villes sont aux prises avec deux transitions énergétiques, qui ne vont pas spontanément ensemble : une sortie du nucléaire et une sortie des énergies fossiles.

Fribourg : reprendre en main l’avenir énergétique

Fribourg-en-Brisgau, ville universitaire de 216 000 habitants, connaît dans les années 1970 une forte opposition à un projet d’implantation de centrale nucléaire, qui structure à la fois un mouvement politique et une société civile militante. La ville est un berceau des Verts allemands, qui dirigent l’équipe municipale depuis 2002. La politique énergétique date de la catastrophe de Tchernobyl. La ville adopte alors trois objectifs : les économies d’énergie à hauteur de 30%, le développement de technologies efficientes et un plan de production énergétique locale. L’ambition est de sortir du nucléaire et de « re-communaliser » la production d’énergie.

La fusion de plusieurs compagnies d’énergie municipales donne naissance à la compagnie régionale Badenova. Des communes autour de Fribourg restructurent leurs entreprises d’énergie ou en créent de nouvelles, afin de reprendre en main la gestion du réseau électrique. Badenova appuie le développement des énergies renouvelables, notamment les installations solaires.

 Le choix de l’énergie solaire est hérité lui aussi des alternatives anti-nucléaires, qui structurent précocement un tissu d’artisans. « L’offensive solaire » de la municipalité peut s’appuyer ensuite sur un partenariat avec le monde de la recherche et de la formation, comme l’Öko-institut sur l’écologie appliquée et l’institut Fraunhofer sur les systèmes énergétiques solaires. De 2000 à 2008, la production photovoltaïque passe de 1 à 10 MW, grâce à la loi allemande sur les énergies renouvelables qui instaure des tarifs incitatifs de rachat. Les fribourgeois prennent part à cette dynamique. Depuis la création d’une centrale photovoltaïque citoyenne sur le podium du stade de football en 1995, 8 centrales photovoltaïques, 9 éoliennes et une turbine hydro-électrique sont gérées par une association non lucrative qui rassemble des capitaux citoyens.

Pourtant, les énergies renouvelables ne fournissent que 4% de l’électricité en 2007, 0,85% pour l’énergie solaire. La cogénération est le véritable pilier de la production énergétique locale. Elle produit la moitié de l’électricité consommée, contre 3% en 1992. La part du nucléaire diminue dans le même temps de 60% à 30%.

Pour réduire les besoins de chauffage, la municipalité s’est dotée d’une réglementation thermique d’un tiers plus exigeante que la réglementation nationale, s’appliquant à tous les bâtiments neufs avec un surinvestissement plafonné à 10%. Depuis 2007, l’habitat passif doit être généralisé à l’ensemble de la construction résidentielle neuve, les banques fournissant des prêts spécifiques. Différents quartiers d’habitat social font d’autre part l’objet d’une réhabilitation thermique.

 

 

Habitation verte dans le quartier Vauban

Habitation verte dans le quartier Vauban

Pour réduire les consommations énergétiques liées à la mobilité, la municipalité favorise les modes doux, depuis les mobilisations des années 1970 : piétonisation, réseau cyclable, conservation et modernisation du tramway. Le réseau de transports en commun prend ensuite une extension régionale. Il dessert notamment la forêt noire. Le report modal s’opère, d’autant que l’ensemble de la ville devient une zone 30. La part modale de la voiture décroît et se stabilise à 32 %. La structure compacte de la ville, ceinturée par des vignobles et forêts inconstructibles, y est pour beaucoup. Le dernier plan d’occupation des sols, en 2006, a retiré 30 hectares à l’urbanisation, après l’étude et la discussion par des groupes de citoyens des espaces de densification possible, dans chaque quartier.

La réduction des besoins de chauffage, plutôt que l’extension des réseaux de chaleur, la dénucléarisation de l’électricité et la réduction de la dépendance automobile sont donc les trois orientations de la politique de Fribourg. L’enjeu est de minimiser les dépenses énergétiques pour pouvoir s’affranchir du nucléaire tout en réduisant les émissions de CO2. Les objectifs du premier plan Climat (1996) sont en partie atteints : chaque fribourgeois émet 20% de CO2 en moins qu’il y a vingt ans, soit 8,53 tonnes de CO2 par an. Le deuxième plan Climat (2007) souhaite réduire les émissions de 40% d’ici 2030.

Hanovre : Le choix de la micro-cogénération

Comme à Fribourg, la politique énergétique d’Hanovre (516 000 habitants et un peu plus du double pour la région urbaine) prend forme au lendemain de Tchernobyl, centrée sur la sortie du nucléaire. La préoccupation pour le climat date de la participation de la ville au programme d’ICLEI pour élaborer un « plan de réduction du CO2 urbain », adopté en 1995. Ce plan est porté par le responsable du service de l’environnement, une forte personnalité au sein du parti Vert. Les Verts (14% des voix) sont alliés aux sociaux-démocrates depuis 1989, sans discontinuité politique.

En 1998, un fonds pour la protection du climat est mis en place, abondé par la compagnie d'énergie de la ville et les municipalités de l'agglomération, puis l’agence de protection du climat de la région urbaine, créée en 2001. Doté de 5,1 millions d’euros par an, il est centré sur l’efficacité énergétique. Environ 1500 subventions sont accordées chaque année aux acteurs publics et privés (industriels et particuliers) qui prennent des initiatives. Une campagne pour des comportements économes dans les bâtiments municipaux, les écoles et les crèches conduit à des économies d’énergie qui financent des mesures d’isolation. De 1990 à 2005, les émissions de CO2 sont réduites de 9%grâce aux économies en matière de chauffage(-19%) et aux efforts de l’industrie (- 12%).

Mais l’augmentation de 32% des consommations électriques dans le secteur résidentiel est préoccupante. En 2005, plus de 48% des émissions de CO2 à Hanovre sont dues à l’électricité, 34% au chauffage et 17% aux transports. On voit à quel point la situation diffère de celle de Växjö, où les transports émettent 80% du CO2. La principale difficulté est donc de parvenir à décarboner l’électricité, alors que les centrales au charbon continuent d’assurer une bonne part de l’approvisionnement énergétique puisque la ville n’utilise plus d’énergie nucléaire. La ville et la région urbaine misent sur la décentralisation énergétique : 240 éoliennes, petites centrales hydro-électriques, solaire, biomasse et méthane, et surtout, micro cogénération, permettant de réduire les consommations énergétiques par un facteur 3. En 2007, 149 petites centrales en cogénération fournissent 29% de l’électricité de la ville.

L’urbanisme et la mobilité sont planifiés pour réduire à leur tour les besoins énergétiques. La ville s’est dotée d’un excellent réseau intégré de transports en commun, à la suite de fortes mobilisations à la fin des années 1960. La densification autour des lignes et gares de trains de banlieue, qui se prolongent sur 40 à 60 km de rayon, permet de protéger la trame verte régionale. Avec l’appui d’une politique cyclable offensive, la part modale de l’automobile est tombée à 41% dans la municipalité, à 50% dans la région urbaine. Il est néanmoins difficile de réduire l’espace de voirie affecté à l’automobile ou encore les vitesses automobiles. La capitale de Basse Saxe est marquée par l’architecture de la reconstruction, des axes routiers de grand gabarit et une industrie automobile qui fournit indirectement 50 000 emplois.

En matière d’éco-construction, le quartier durable du Kronsberg a montré qu’il était possible d’atteindre une réduction de 75% des émissions de CO2 par rapport à un quartier neuf conventionnel. La compacité et l’isolation thermique ont réduit d’un quart les émissions de CO2 et un réseau de chaleur alimenté par la micro-cogénération d’un quart supplémentaire. L’électricité est fournie par des éoliennes. À partir de 1999, le « standard Kronsberg » (55 kWh/m2/an pour le chauffage et l’eau chaude) a été appliqué à tous les bâtiments neufs à usage résidentiel ou commercial construits sur des terrains municipaux. La préférence pour les ventes est accordée depuis 2007 à ceux qui proposent des bâtiments passifs. La politique foncière permet de constituer de nouvelles acquisitions et d’imposer une éco-conditionnalité sur le bâti. Une réhabilitation thermique de l’habitat social a été parallèlement engagée.

En 2009, chaque habitant émet 9,7 tonnes d’équivalents CO2 par an, soit une baisse de 7,5% des émissions depuis 1990. En dépit des difficultés, « l’Alliance Climat Hanovre 2020 », créée en 2008 avec 80 partenaires privés et publics, s’est engagée à réduire les émissions de CO2 de 40% d’ici 2020, transports exclus, ce qui est très ambitieux.

Pour conclure à la lumière des études de cas

En lisant le texte et particulièrement les quatre études de cas certains points communs et des lignes de divergence apparaissent dans les stratégies locales de sortie des énergies fossiles. Il est bien sûr difficile de comparer des villes situées au cœur de la dorsale européenne dense, avec son maillage d’agglomérations rapprochées, et les villes des grandes étendues scandinaves, où miroite l’or vert : les contraintes d’économie d’espace ne sont pas du toutes les mêmes. Nous en prenons néanmoins le risque.

Premier point commun, ces politiques se sont appuyées sur des compagnies locales d’énergie capables de faire évoluer la production ou la nature de l’approvisionnement énergétique.

Deuxième point commun, un engagement politique fort, impliquant des Verts ou des personnalités environnementalistes, oriente ces expériences. Les mobilisations environnementales des années 1960-70 ont été déterminantes pour poser les bases, dans chacun des cas étudiés, d’une culture environnementale et de choix politiques structurants à moyen terme.

En matière de chauffage, les municipalités dotées d’un réseau de chaleur ont pu jouer la carte de la bioénergie. Celles qui n’en bénéficient pas deviennent beaucoup plus exigeantes sur les performances énergétiques de l’habitat, dans un climat, il est vrai, plus tempéré. Ces deux stratégies ne s’opposent pas forcément dès lors que les réseaux de chaleur sont alimentés par la micro cogénération, comme à Hanovre.

Dans le domaine des transports, l’efficacité des politiques de report modal dépend des morphologies urbaines et des niveaux de contraintes pour la circulation automobile, plus élevés en l’absence d’industrie automobile sur le territoire. La présence de cette industrie a aussi contribué à une structuration plus lâche des agglomérations. La promotion des véhicules au biocarburant s’affirme comme une ligne de clivage entre les politiques des villes suédoises et allemandes.

Une autre ligne de partage oppose les acteurs locaux sur la question du nucléaire. Ce choix différencie fortement les politiques climatiques locales, il est un des principaux motifs de leur divergence. Les orientations énergétiques et les cultures nationales pèsent ici de tout leur poids. Elles expliquent qu’on recherche des solutions centralisées (l’or vert remplaçant l’or noir) ou qu’on les fuit, pour développer une pluralité de ressources énergétiques locales et des circuits courts énergétiques (micro-cogénération).

Enfin, la diversité des approches et des modes de financement de ces politiques révèle aussi des formes de transition énergétique pilotées par le haut ou par le bas, Fribourg esquissant à cet égard une transition « civique ». Il s’agit d’une troisième ligne de divergence et d’une question centrale, puisque les émissions de gaz à effet de serre sont en bonne partie liées aux modes de consommation et de vie.

Comment citer ce texte ?

EMELIANOFF, C. (2013). « Les villes dans la transition énergétique au tournant du 21ième siècle ». Dans GAGNON, C. (Éd). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable, [En ligne]  http://demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/transition-energetique/ (page consultée le jour mois année).

Pour aller plus loin...

Plan commenté du projet de loi de programmation sur la transition énergétique (France)

Bulkeley H., Newell P., 2010. Governing Climate Change, London, New York, Routledge

Collier U., Löfstedt, 1997. Think globally, act locally ? Local climate change and energy policies in Sweden and the UK, Global Environmental Change, 1, vol. 7, p 25-40.

Commission européenne, 2011. Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité Economique et Social européen et au Comité des Régions, Bruxelles, 18 p.

Emelianoff C., Stegassy R., 2010. Les pionniers de la ville durable. Récits d’acteurs, portraits de villes en Europe, Paris, Autrement.

Emelianoff C., Mor E., Chevalier J., 2010. Les villes face à la transition énergétique : quelles politiques locales ? Programme Repenser les villes dans la société post-carbone ?, MEEDDM, ADEME, rapport final, Université du Maine, vol 1 : 112 p, vol 2 : 110 p.

Huber M., 1997. Leadership and unification: climate change policies in Germany, in: Collier U., Löfstedt R. (ed), Cases in Climate Change Policy. Political Reality in the European Union, London, Earthscan, p 65-86.

Morris D., 1982. Self-Reliant Cities. Energy and the Transformation of Urban America, San Francisco, Sierra Club Books.Mireille Delmas-Marty (Auteur)

Roberts T., Parks B., 2007. A Climate of Injustice, Cambridge, MIT Press.

Scheer H., 2007. L’autonomie énergétique. Une nouvelle politique pour les énergies renouvelables, Arles, Actes Sud.

En complément

Environnement et la santé humaine

Éducation relative à l'environnement

Intégrer les contraintes climatiques et énergétiques dans les pratiques de développement - De la bonne pratique à la politique publique

Rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques (Québec - Février 2014)

Quel rôle pour les villes dans la transition énergétique ?

Sites internets

GIEC

ICLEI

Alliance Climat

Energie-Cities

PNUE

DG XI

Ville de Växjö

Ville de Stockholm

Ville de Fribourg

Ville de Hanovre

Dernière modification: 26 novembre 2014

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