L’Agenda 21 de la Commune de Watermael-Boitsfort : l’exemple d’une démarche pionnière en Belgique.
Résumé
La Commune de Watermael-Boitsfort (municipalité), pionnière en matière de développement durable, a signé les engagements d’Aalborg, début 2008. Depuis lors, elle continue à promouvoir et agir pour le développement durable.
- Watermael-Boitsfort: une commune où il fait bon vivre
- Le développement durable au centre des préoccupations
- Un Agenda 21 communal
- Un modèle décisionnel local et régional
- Une démarche participative en trois temps
- L'important est de communiquer
- Quatre ans après le lancement de l'Agenda 21 local
- Des résultats encourageants
- Les difficultés et défis
- Consultez les documents issus de l'Agenda 21 de Watermael-Boitsfort
Watermael-boitsfort, une commune où il fait bon vivre
La commune de Watermael-Boitsfort est une des dix-neuf communes qui compose la Région de Bruxelles-Capitale. Avec un territoire de 12,9 km2, soit 8% du territoire régional, celle-ci se trouve au sud-est de la capitale. "Une grande partie du sud de la commune est occupée par la forêt de Soignes et est donc inhabitée. De ce fait et de par la présence importante d'autres zones vertes et de jardins privés notamment, Watermael-Boitsfort est la commune la moins densément peuplée de la Région (1 891 personnes au km2)" (Zoom sur les communes, Watermael-Boitsfort). Mais c'est également la commune la plus verte avec 27% des espaces vertes régionaux.
Jusqu’au 19ème siècle, Watermael et Boitsfort étaient deux hameaux distincts. Malgré la fusion, cette distinction est restée dans l’inconscient des citoyens. Ainsi, Watermael représente la partie nord de la commune tandis que Boitsfort englobe le sud du territoire. En outre, la commune dispose de deux vastes cités-jardins, d’inspiration anglaise, qui sont en grande partie des logements sociaux et sont actuellement classées au sens patrimonial par un arrêté du gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale. Cela assure une protection à ce patrimoine d’exception, mais en complique les rénovations.
Le profil démographique de la commune est particulier. En effet, depuis la fin du 19ème siècle jusqu’aux années 1970, la population a augmenté de manière ininterrompue. Ensuite, la population a diminué jusque dans les années 2000ayant davantage de décès que de naissances. « Depuis lors, elle stagne, fait tout à fait particulière dans le contexte de croissance démographique régionale. En 2015, la commune comptait 24 454 habitants, soit 2 % de la population régionale » (Zoom sur les communes, Watermael-Boitsfort)
D’un point de vue socio-économique, la population est essentiellement issue des classes supérieures et moyennes. Comparativement à la moyenne bruxelloise, le revenu moyen y est nettement supérieur. De plus, 62 % des 15-64 ans sont actifs sur le marché du travail. Dû à l’implantation de plusieurs sièges et bureaux de grandes entreprises dans le secteur des activités financière, d’assurance et immobilière, cette branche d’activité constitue le premier pôle en matière d’emplois à Watermael-Boitsfort .
Ces différents aspects, territorial, démographique et socio-économique, permettent d’expliquer « l’aspect village » que ressentent les habitants de la commune.
Le développement durable au centre des préoccupations
À Watermael-Boitsfort des initiatives durables existaient déjà, et ce bien avant le lancement de l’Agenda 21 (A21) local officiel en 2010. En effet, la Commune avait, en 2003, lancé sur base volontaire son « Plan Kyoto local » qui avait pour objectif de réduire de 30% la consommation d’énergie. La gestion environnementale de son site administratif avait également été félicitée quelques années plus tard, par l’Organisme régional Bruxellois en charge de l’environnement (Bruxelles Environnement). Sur un autre aspect, dès 1999, la Commune est la première à mettre en place la « Journée sans voiture », à savoir fermer son territoire communal pendant une journée pour laisser les voiries aux autres utilisateurs.
L’objectif préalable à la mise en œuvre d’un A21 était, d’une part, de faire collaborer les différents services internes à la Commune grâce à cette thématique qui permet la transversalité des actions. D’autre part, la Commune désirait faire connaitre les différentes initiatives existantes au grand public, de les valoriser, mais également de les inclure dans le processus décisionnel participatif. Ainsi, « l’objectif est d’aboutir à une dynamique commune de développement durable (Commune – Habitants – Commerces) et de développer un réflexe DD dans tous les services et décisions au quotidien » (Agenda Iris 21)
Un agenda 21 communal
Fin 2007, la Commune de Watermael-Boitsfort est l’une des pionnières à répondre au premier appel à projet régional pour mettre en œuvre un plan d’action A21 local sur son territoire. Le portage émane à la fois du politique et de l’administration. À cet égard, dès le lancement de l’A21, le Collège des Bourgmestres et Échevins signent, en février 2008, les Engagements d’Aalborg et désignent un Comité technique spécifiquement pour cette mission.
Ce processus de trois ans était alors majoritairement subsidié par le Ministère de l’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale. En effet, le subside pour le lancement d’un A21 s’élève à 50.000 € par an, auquel la commune est tenue d’ajouter 10% du montant. Cette subvention permet dès lors de couvrir les frais de salaire du nouveau coordinateur de l’A21, spécialement engagé pour cette mission ainsi que les dépenses liées au processus participatif et de communication.
Depuis lors, la commune prend en charge le salaire du coordinateur, mais continue toutefois à répondre aux appels à projets annuels lancés par la région. Elle a reçu des subsides à la hauteur de 25 000 € afin de mettre en œuvre des projets thématiques concernant le développement durable.
Un modèle décisionnel local et régional
À l’échelle régionale, trois comités ont été mis sur pied afin d’orienter et de soutenir l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action.
Le comité d'accompagnement:
Il voit le jour afin d’aider les communes à mettre en œuvre leur plan d’action. Ce comité est composé des représentants régionaux qui se réunissent deux fois par an.
Le comité technique
était alors une des forces de Watermael-Boitsfort, car celui-ci était composé de la Bourgmestre de l’époque, de l’élu politique en charge du développement durable, des secrétaires politiques de chaque parti dans la majorité, ainsi que des membres du « service ». Le portage bicéphale est une particularité étant donné les différents partis politiques alors au pouvoir. Notons qu’en 2012 est créé l’échevinat du développement durable qui est porté par un seul élu.
Le comité de pilotage:
Ce dernier a été mis sur pied pour le lancement de l’A21. Actuellement, en 2017, celui-ci n’existe plus. Ce comité était alors composé de 19 personnes, représentant l’ensemble des services de l’administration communale et désigné par le collège des bourgmestres et des échevins. Ils se réunissaient deux à trois fois par an et statuaient ensemble lors des moments décisifs.
Une démarche participative en plusieurs étapes
De manière générale, la démarche choisie est semblable à celle mise en œuvre par les autres A21 de la Région de Bruxelles-Capitale. Ainsi, sur une échelle-temps de trois ans, de février 2008 à novembre 2010, plusieurs étapes auront caractérisé l’Agenda 21 communal de Watermael-Boitsfort.
Il a débuté par la réalisation d’un diagnostic, mené d’une part en interne, via un travail concerté (fiche technique, analyse SWOT) avec tous les services concernés, et d’autre part en externe. Pour cela, les citoyens ont été conviés à une grande soirée de lancement ainsi qu’à plusieurs réunions sectorielles. Dans ce cadre, les habitants et certains agents de la commune ont pu faire part de leurs préoccupations et désidérata via un formulaire préétabli. L’état des lieux ainsi concrétisé aura permis d’identifier les besoins ressentis, de valoriser les réalisations déjà entreprises et de mesurer les potentialités encore en friche. Au terme de ce travail, le collège a pointé 13 enjeux prioritaires regroupés sous les 4 grands piliers du développement durable : l’environnement, le social, l’économie, et l’organisation territoire/mobilité. Dès cette première phase, la Commune a fait appel à un expert externe, Habitat et Participation, afin de disposer des techniques adéquates pour une participation efficace.
À compter du printemps 2009, les travaux menés ont permis d’identifier des actions concrètes qui répondaient alors aux constats du diagnostic. Sur les quelques 270 pistes d’actions de toutes natures recensées lors des échanges antérieurs avec les services administratifs et la population, une centaine jugées particulièrement porteuses ont été soumises à quatre groupes de travail thématiques, réunissant là aussi, techniciens, communaux et habitants.
Cela a permis de ventiler les différentes propositions entre « actions phares », « actions satellites » et « actions complémentaires » pour chacun des piliers du développement durable, renvoyant toutes également aux enjeux en matière de gouvernance. Par la suite, des fiches actions ont été rédigées à cette occasion.
Sur base de ces acquis, le collège d’élus a identifié, à la mi-janvier 2010, une version de projet de l’Agenda 21 comportant une liste de 70 actions réparties sur 5 thématiques : environnement, social, économique, mobilité/organisation du territoire et gouvernance. Cette liste a été soumise comme telle à la population, via une cyber-consultation. Les actions ainsi désignées ont alors été documentées, puis soumises aux chefs de services compétents pour qu’ils en apprécient la faisabilité et formulent des propositions d’amendements, avec une dernière révision par le collège et une soirée de clôture avec tous les riverains investis.
L'importance de communiquer
Pour le lancement de l’Agenda 21 local, l’accent a été mis sur une communication participative et active de tous les acteurs. La Commune de Watermael-Boitsfort a ainsi réalisé trois courts-métrages, sous forme de DVD, reprenant les actions et investissements effectués par les différents acteurs, à savoir : l’administration, les associations communales et les citoyens. Ce DVD a alors été distribué dans une brochure retraçant l’implication de la commune dans la démarche du développement durable. Une identité visuelle a également été créée pour l’occasion, elle est utilisée pour chaque action de l’agenda 21.
Quatre ans après le lancement de l'Agenda 21 local
Une évaluation du plan d’actions a été réalisée en décembre 2014 afin de recenser les actions déjà réalisées ou en cours de concrétisation. Cette évaluation a été effectuée par le comité technique. L’analyse a porté sur deux aspects : d’une part, d’un point de vue quantitatif, c’est-à-dire ce qui avait alors été réalisé, et d’un point de vue qualitatif, à savoir le ressenti des agents communaux, à travers le comité de pilotage voir supra sur la cohérence et la pertinence de l’Agenda 21 local.
L’évaluation réalisée s’est révélée positive sur les actions concrétisées, ainsi que sur le sentiment d’avoir répandu l’information auprès des citoyens de la commune. Toutefois, le comité de pilotage est alors revenu sur le manque de moyens financiers mis à la disposition du service développement durable pour le déploiement d’actions phares ainsi que sur un manque de reconnaissance des actions accomplies et du travail fourni.
Le suivi de l'Agenda 21: des résultats encourageants
Presque 10 ans après le lancement de l’Agenda 21, le comité technique continue de statuer sur les différents dossiers en matière de développement durable. Ce comité se réunit de manière bimensuelle et suit les différents projets en cours. Lors de ces réunions, la coordinatrice relaye à la fois les demandes émanant des citoyens, mais également les nouvelles propositions de projets à mettre en œuvre pour les citoyens ainsi qu’au sein de l’administration. Cette composition permet d’assurer le plus de transversalité entre les différents services, la population et les projets réalisés.
Plusieurs projets ont vu le jour sous le label « Agenda 21 » sur le territoire communal. Nous pouvons constater un réel engouement de la part des citoyens suite aux différents projets lancés. Pour certains citoyens, cet engouement est tel qu’ils s’engagent concrètement dans l’organisation des projets tels les bénévoles au Repair Café ou à la Donnerie. La commune peut ainsi faire appel à de nombreux habitants motivés par les enjeux du développement durable pour la soutenir dans la mise en place des projets. En effet, depuis le lancement officiel de l’A21 fin 2010, la Commune de Watermael-Boitsfort continue de répondre aux appels à projets annuels. De manière générale, cela a permis d’organiser depuis 2010, une Donnerie biannuelle, d’installer sur le territoire de la commune trois Giveboxs, six poulaillers collectifs et treize composts collectifs ainsi qu’organiser des Repairs Cafés tous les deuxièmes dimanches du mois.
- La Givebox est une armoire qui se trouve sur la voie publique et est accessible à tous pour prendre ou déposer un objet en bon état et ce afin de lui donner une seconde vie.
- Lors du Repair Café, des bénévoles : électriciens, couturières, menuisiers, réparateurs de vélos, informaticiens… mettent tous leurs savoirs à disposition des personnes souhaitant réparer un objet, de manière gratuite.
- La Donnerie est basée sur le modèle canadien de la « Ressourcerie ». Les citoyens peuvent donner une deuxième vie aux objets qu’ils ne désirent plus. Cela permet à la fois de réduire la production de déchets, de modifier nos habitudes de consommation et de développer un lien social entre les participants lors des évènements.
D’autres actions au sein de l’administration ont également vu le jour afin de réduire l’empreinte écologique et énergétique de la Commune. Pour l’année 2016, le service du développement durable a mis l’accent sur « l’alimentation durable » en offrant des cours de cuisine aux citoyens, mais aussi au personnel communal, mêlant théorie et beaucoup de pratiques avec un coach professionnel. Cette année, la Commune continue sa démarche « Zéro Déchet » en proposant des ateliers gratuits de confection à destination des habitants, et ce en fonction des pièces de la maison.
De plus, d’autres services (énergie, enseignement, travaux publics, etc.) mettent également en place des actions concernant le développement durable avec leur public-cible, sans pour autant concerter le service et le plan d’action de l’A21. Ainsi, les cantines scolaires ont également été sollicitées pour offrir des repas durables, biologiques et de saisons aux enfants. L’aménagement de la commune est aussi axé sur un développement des pistes cyclables et des transports en commun, afin d’assurer une meilleure mobilité douce. De plus, la gestion et l’entretien des espaces verts ont été modifiés afin de supprimer l’utilisation des produits nocifs à l’environnement, en développant le fauchage tardif, le recours aux plantes indigènes,…
Les difficultés et défis
Voilà dix ans que l’Agenda 21 est devenu une préoccupation politique et administrative. Dès lors quelques constats et difficultés sont identifiables..
Concernant le plan d’action, nous devons réviser, voire refaire l’état des lieux et le diagnostic étant donné que de nombreuses actions ont été réalisées. De même, l’importance de la thématique a évolué et s’est amplifiée au fil des années. La difficulté est due au fait que le plan d’action était fort précis et ciblait des actions bien déterminées. Nous devrions idéalement restructurer les grands piliers sous des thématiques plus précises.
En outre, un deuxième défi est d’assurer plus de transversalité à la démarche. Il est difficile d’impliquer l’ensemble des services afin de respecter un critère de durabilité. Cela dit, face à ce constat, il y a un blocage dû au fonctionnement même de l’entité administrative. Inscrire le développement durable de manière transversale demanderait de modifier le cadre administratif afin d’y mettre des moyens financiers plus adéquats et d’avoir un soutien supplémentaire au niveau politique.
Finalement, selon un objectif de durabilité temporelle, nous questionnons la pérennisation des actions et des projets. En effet, par moment, l’action n’est pas réfléchie pour durer dans le temps; nous oublions alors de penser à « l’après » lorsque l’administration se retire du projet ou lorsque les financements se raréfient.
Pour conclure, la Commune de Watermael-Boitsfort est heureuse d’avoir avancé dans cette démarche et d’avoir soutenu un contrat à durée indéterminée pour la coordinatrice. Elle désire continuer à s’investir dans un environnement plus respectueux des générations futures.
Pour consulter les documents issus de l'Agenda 21 de Watermael-Boitsfort:
- Zoom sur les communes, Watermael-Boitsfort (IBSA, 2006)
- Agenda 21 Definitif - 70 actions
- Liste brute 270 actions initiales
- agenda-iris-présentations de projets retenus-21-laureats-2007
- Rapport au collège echevinal RAC 22 06 2009 13 enjeux
- Video : Développement Durable à Watermael-Boitsfort : Les projets citoyens
- Vidéo: les efforts et implications de l'administration communale
- Vidéo: le projet Archidu'SEL (Système d'échange local)
Comment citer ce texte ?
SMETS, L. (2017). « L'Agenda 21 de la commune de Watermael-Boitsfort (Bruxelles-Belgique), l'exemple d'une démarche pionnière en Belgique». Dans GAGNON, C. (éditrice). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable,
[En ligne] http://demarchesterritorialesdedeveloppementdurable.org/watermael-boitsfort-belgique-2/
(page consultée le jour mois année).
Dernière modification: 23 mars 2019